Une filière gagnante Nous vivons dans la pire province en matière de décrochage scolaire au Canada, selon l'Institut du Québec. Le taux de décrochage scolaire est toujours plus élevé chez les garçons au Québec. Pour Martin Binette, natif d’Oka, dans la région des Basses-Laurentides, la formation professionnelle au Québec passe encore au-dessous du radar : « Les salaires sont bons, les métiers sont intéressants, les conditions de travail sont bonnes, pourquoi accroche-t-on encore une étiquette de cancres à ceux qui choisissent cette filière gagnante? »
Courageux raccrocheur Martin a redoublé deux fois son secondaire 3. Non par manque d’intelligence, mais à cause de ses problèmes de comportement et d’assiduité : « Je n’ai pas eu personne pour me botter le derrière. » Décrocheur en 3e secondaire, puis employé de nuit dans une beignerie pendant cinq ans, il s’est mis à réfléchir à son avenir au moment où sa conjointe est tombée enceinte de leur première fille : « Je me suis rendu compte que j’avais besoin d’un métier, pour plus de stabilité, un meilleur salaire et de meilleures conditions d’emploi. Je voulais être en mesure de faire des projets pour ma famille et pour moi. Avec ma conjointe, nous souhaitions avoir d’autres enfants. »
Conscient que le chemin de retour à l’école s’avère long et ardu, il commence par réfléchir à ce qu’il aime, à ses intérêts : « C’est une erreur de prendre le chemin d’un métier pour les autres, considère-t-il, il faut d’abord le faire pour soi. Moi, j’avais toujours eu un intérêt envers la mécanique, les moteurs. J’ai des habiletés manuelles et un bon esprit d’analyse et de résolution de problèmes. Je me suis dit : C’est ça que je veux faire. »
« La FP m’a permis d’agrandir mon horizon. » Martin a d'abord fréquenté l’école des adultes, où il a obtenu ses équivalences non sans difficulté, puis le Centre de formation professionnelle de l'automobile, à Sainte-Thérèse. Le jeune père de famille qui s’assoit sur les bancs de la FP n’est pas le même gars que celui qui fréquentait le secondaire : « C’était la première fois de ma vie que je m’assoyais en avant. Avec un objectif sérieux, j’étais le gars qui remettait les autres sur la track lorsqu’il était temps, raconte-t-il, simplement en leur jetant un regard. » Il se retrouve à étudier le jour et à travailler la nuit pendant un an et demi. Épuisé, il se consacre uniquement à sa formation pendant les six derniers mois, avec l’aide d’Emploi-Québec.
Après avoir obtenu un DEP en Mécanique automobile, pendant 15 ans, le mécanicien a œuvré chez des concessionnaires, des ateliers de mécanique, à Air Canada et pour le concessionnaire John Deere. Au fil de sa carrière, il s’est spécialisé dans les moteurs diesels puis a été promu conseiller technique. « Au fil des expériences, je me suis rendu compte que j’étais bon, et j’ai retrouvé beaucoup de confiance en moi. Je n’ai plus jamais eu le syndrome du dimanche, je me suis toujours levé heureux d’aller au travail. » Ce sont des stagiaires qu’il a accueillis au travail qui ont vanté ses qualités et son expérience au Centre de formation agricole de Mirabel. De fil en aiguille, il a commencé à y enseigner et a obtenu un deuxième DEP en mécanique agricole avant de commencer son baccalauréat d’enseignement en formation professionnelle.
À un jeune décrocheur comme j’ai été, je dirais : dépasse la peur de l’échec. Trouve ce que tu aimes, et donne-toi les moyens de gagner ta vie avec ta passion. Fonce! Et fais-le pour toi!
Martin Binette, enseignant
Des préjugés toujours tenaces Depuis quelques années, Martin partage son savoir aux élèves du DEP en Mécanique agricole inscrits au Centre de formation agricole de Mirabel (CFAM). Il est un excellent modèle pour les élèves autant en termes de savoirs que de savoir-faire et de savoir-être. « Jeune, mon rêve était d’être professeur d’histoire, se rappelle-t-il. Quand j’ai eu l’occasion d’entraîner au soccer, j’ai découvert comment c’était l’fun de transmettre ses connaissances et le sentiment d’accomplissement qui vient avec cela. »
Ouvrir les horizons des jeunes Martin sait que son histoire pourrait en inspirer plus d’un. Si au cours des dernières années, nous avons assisté à une belle prise de conscience collective quant à l’importance de la persévérance scolaire, les préjugés envers la formation professionnelle demeurent tenaces, selon lui : « Il faut parler aux parents et déconstruire cette idée qu’il n’y a qu’un chemin professionnel vers l’université. Ce n’est pas tout le monde qui est fait pour travailler dans un bureau. Les personnes qui réparent nos voitures, construisent nos maisons et font voyager l’électricité sont aussi importantes et utiles à notre société. » Pour l’enseignant, la valorisation et la promotion demeurent primordiales. D’ailleurs, il ne se fait pas prier pour aller rencontrer les élèves du secondaire et leur parler de son métier, de son centre de formation : « C’est notre responsabilité d’informer les jeunes et de leur présenter de beaux exemples. La formation professionnelle est une bonne voie pour l’entrepreneuriat, par exemple. Les exemples de réussite, il y en a plein! »
À propos du Centre de formation agricole de Mirabel Depuis 2022, le Centre de formation agricole de Mirabel (CFAM) profite de nouvelles installations à Ste-Scholastique. Chaque année, environ 120 élèves s’inscrivent au centre de formation agricole. Ces nouveaux locaux et ateliers sont actuellement utilisés par les étudiants d’aménagements paysagers, mais également par ceux de productions horticoles, qui toucheront à plusieurs types de culture en serre. « Comme enseignant, on peut aider à faire la différence, indique Martin. Du jour 1 où l’élève commence son DEP au moment où il obtient son diplôme, il y a tout un accomplissement. »
Métier : mécanicien agricole Les mécaniciennes et les mécaniciens effectuent l’entretien et la mise au point des moteurs et des systèmes mécaniques, hydrauliques, pneumatiques, électriques et électroniques dans le secteur agricole. Ils peuvent travailler dans un atelier ou se promener de ferme en ferme. Ils diagnostiquent des pannes et réparent des moteurs diesels, des freins, des transmissions et tout autre système défectueux sur des tracteurs, des moissonneuses-batteuses, des presses à foin, des machines à semence.
Chef de groupe engagé dans plusieurs projets dans son centre de formation, Martin aimerait bien amener la mécanique agricole aux Olympiades des métiers.