Les mains dans le cambouis Formée au Centre De Formation En Mécanique De Véhicules Lourds, Frédérick Lamontagne entreprend un ASP en Mécanique spécialisée d’équipement. L’idée d’avoir les mains dans l’huile et la graisse n’a jamais freiné Frédérick Lamontagne dans le désir de vivre de son amour pour la mécanique : « Se salir ! Oui, ça fait partie de la job ! Mais il suffit d’une bonne douche et tout est parti! » Être mécanicienne de véhicules lourds n’est pas le travail le plus facile physiquement. Peu de femmes intègrent le métier : la mécanique est assurée par des hommes à 98,4 % peut-on lire sur la page de Camo Route, le Comité sectoriel de main-d’œuvre de l’industrie du transport routier au Québec.
La mère de Frédérick avait des craintes pour elle. Peur qu’elle vive des conflits avec les gars. Qu’elle se blesse. Mais aujourd’hui, les ateliers sont tous équipés de matériel de levage et le raisonnement selon lequel les femmes ne sont pas assez fortes ne tient plus la route. « Il faut de la force, peut-être, mais ce qu’il faut surtout, c’est de la technique », exprime Frédérick. Parmi les autres qualités qu’elle identifie pour un parcours non traditionnel : la persévérance, la détermination, l’investissement personnel et l’intelligence. « Et une tête de cochon, ça ne nuit pas non plus », ajoute-t-elle avec un rire.
« Il faut de la force, peut-être, mais ce qu’il faut surtout, c’est de la technique. »
Frédérick Lamontagne, mécanicienne de véhicules lourds
Un garage, comme une deuxième maison Seule fille dans son groupe, Frédérick Lamontagne a dû balayer les clichés encore bien présents dans le milieu. Comment ? Par sa persévérance, son savoir-faire technique et son ouverture. Des qualités qui font d’elle un véritable modèle de réussite. Il faut la voir conduire les gros camions pour les entrer ou sortir du garage : « Les trucks me fascinent depuis toujours. Petite, j’étais tellement impressionnée par leur aspect gigantesque. Aujourd’hui, les moteurs et toutes les composantes qui me donnent du fil à retordre piquent mon intérêt et ma curiosité ».
L'amour qu'elle voue à ce métier ne date pas d'aujourd'hui; c'est en côtoyant son père et en passant une partie de son adolescence dans le garage qu'elle a attrapé le « virus » de la mécanique. Jeune, elle pratiquait le violon et l’équitation. Elle pense un moment aller au cégep, mais abandonne vite cette idée : « Je n’aimais pas beaucoup l’école. Le garage, c’est comme ma maison. Je m’y sens bien, c’est chez moi, un endroit plein de joie de vivre ». Après son secondaire, elle entame un DEP en Mécanique de véhicules lourds, à Saint-Romuald : « Ce CFP est situé tout près de chez moi. Comme la mécanique est un milieu où tout le monde se connaît, mon père savait qui allait m’enseigner. Je n’avais aucun doute que j’allais y avoir une bonne formation ». Mais tout n’est pas rose au pays des poids lourds : certains élèves sont d’abord hostiles à Frédérick, seule fille du groupe, notamment parce qu’elle possède déjà un bagage de connaissances et d’expérience.
Plus qu’un métier… une passion ! « Les files qui, comme moi travaillent dans les garages, hésitent à témoigner, car elles craignent de se faire dire qu’elles recherchent l’attention. Mais il faut des modèles de réussite » Elle réussit à s’intégrer au groupe en l’espace de quelques Elle réussit à s’intégrer au groupe en l’espace de quelques semaines, notamment en aidant les gars qui n’avaient jamais touché à un moteur. Elle gagne leur amitié à force de gentillesse, et on vient vite lui demander conseil lorsque l’enseignant est déjà occupé : « J’ai senti le respect des autres élèves, surtout parce que je ne jouais pas à la princesse et que mon désir d’apprendre et ma passion étaient réels et communicatifs. J’avais ma place dans la classe, au même titre que chacun des autres gars ». Elle ajoute même que le directeur du centre de formation, soucieux de son bien-être, s’assure qu’elle n’est pas blessée par les blagues qui fusent parfois.
Défis mécaniques Un métier, une passion et une affaire de famille : Frédérick Lamontagne a rejoint en 2019 le garage familial dont elle prendra un jour les commandes. Diagnostic, réparation, changement d’huile, remplacement de suspension ou d’amortisseur, remise à neuf de moteur : Frédérick maîtrise tout. Elle fait rapidement ses armes. Il serait cependant faux de croire que tout a été facile pour elle. Il y a eu certains modules difficiles, dont un cours qu’elle a échoué, et dû reprendre : « C’est une formation très complète et très intéressante. J’ai adoré l’hydraulique, l’électricité et le module sur les moteurs; en fait, ce sont les trois cours qui m’ont donné le plus de fil à retordre, mais j’aime les challenges. Repousser mes limites et apprendre de nouvelles choses. Ma fierté est de voir un camion ressortir du garage, quand c’est beau, bien fait et que cela fonctionne rondement. Je suis minutieuse et persévérante. Ce n’est pas spécifique à mon métier, mais cela fait partie de ma personnalité ».
« C’est une formation très complète et très intéressante. J’ai adoré l’hydraulique, l’électricité et le module sur les moteurs; en fait, ce sont les trois cours qui m’ont donné le plus de fil à retordre, mais j’aime les challenges. »
Frédérick Lamontagne, mécanicienne de véhicules lourds
Un métier en demande Formée au Centre De Formation En Mécanique De Véhicules Lourds, Frédérick Lamontagne entreprend un ASP en Mécanique spécialisée d’équipement. Le transport routier connaît un véritable essor depuis une vingtaine d’années, car il a pris l’avantage sur le transport ferroviaire. Cela se traduit par une forte demande de mécaniciens; les diplômés du secteur trouvent facilement du travail. Le manque de personnel dans le domaine ouvre les portes aux femmes qui y font une arrivée timide. Quant à Frédérick, à la fin de son DEP en mai 2019, elle a préféré joindre le garage familial – où, en plus de son père, sa mère est adjointe administrative et sa sœur commis aux pièces – qui vient de fêter ses dix ans. Et travailler en famille? « C’est certain qu’on ramène à la maison toutes les histoires du garage, raconte la mécanicienne. Et puis, mon père a tendance à me protéger des jobs plus difficiles, car il a peur que je me blesse, mais en même temps, il me pousse à me dépasser ». Parallèlement au travail, Frédérick a entrepris l’ASP en Mécanique spécialisée d’équipement lourd afin d’approfondir certaines notions apprises comme le diagnostic de moteurs par ordinateur, de systèmes d’injections, de système de traitement avancé des gaz et de transmissions.
Profil : entrepreneuse En y mettant les efforts nécessaires, Frédérick Lamontagne a réussi à atteindre son but, mais la mécanique demeure un des derniers bastions masculins, et les générations plus âgées restent stigmatisées dans leurs vieux réflexes misogynes, constate-t-elle : « Heureusement, nous avons la chance de travailler dans un atelier où les clients nous ont vu grandir ma sœur et moi. C’est certain qu’être la fille du patron me donne une certaine protection. À part une expérience négative avec un client insistant, je profite d’un environnement de travail très agréable. C’est une atmosphère respectueuse et amicale, nous sommes une équipe de huit personnes tissées serrées ». Dans quelques années, elle ambitionne de faire équipe avec sa sœur pour reprendre les rênes du garage familial, avec l’aide de ses parents.
Un club masculin? Pour attirer plus de femmes dans le milieu, Frédérick Lamontagne souhaite qu’on fasse connaître nos modèles féminins : « Les files qui comme moi travaillent dans les garages, mais hésitent à témoigner, car elles craignent de se faire dire qu’elles recherchent l’attention. Mais il faut des modèles de réussite ».
« Des filles qui témoignent de la fierté d’être mécaniciennes. C’est la meilleure façon de dire aux autres que c’est possible. »
Frédérick Lamontagne, mécanicienne de véhicules lourds