Karine Boucher n’a jamais vraiment eu pour objectif de se démarquer dans un métier traditionnellement masculin. « J’ai fait ce que je voulais faire dans la vie en suivant mes intérêts », raconte-t-elle.
Fille unique de deux employés de chez Pratt & Whitney, sur la Rive Sud de Montréal, Karine se souvient que son choix de carrière n’a pas fait l’unanimité chez ses parents lorsqu’elle a décidé d’entreprendre une formation professionnelle la menant vers un métier de la construction : « Je suis très manuelle et j’ai un gabarit pour travailler dans le domaine de la construction — je mesure 6 pieds —. Mon père, monteur d’avions, m’a appris une foule de choses (pose de céramique, démolition, etc.). L’été de mes 18 ans, j’ai débuté un emploi étudiant chez Pratt & Whitney, ce qui m’a amené à côtoyer des plombiers. J’ai eu la piqûre pour le métier. À l’époque, je terminais un DEC. Comme j’étais très forte à l’école, tout le monde me voyait médecin ou du moins, dans une carrière universitaire ».
Une fois son cégep terminé, elle déménage dans un petit appartement à côté de l’École professionnelle de Saint-Hyacinthe pour suivre la formation en plomberie et chauffage d’une durée de 17 mois : « Mes parents ont tenté de me dissuader; ma mère état inquiète que ce soit difficile pour moi dans le domaine de la construction ».
« J’ai eu la piqûre pour le métier. À l’époque, je terminais un DEC. Comme j’étais très forte à l’école, tout le monde me voyait médecin ou du moins, dans une carrière universitaire. »
Karine Boucher, plombière
Formation et Compétitions Une fois son cégep terminé, Karine Boucher se dirige vers l’École professionnelle de Saint-Hyacinthe pour suivre la formation en plomberie et chauffage. Karine Boucher garde un excellent souvenir de son parcours en formation professionnelle : « Les professeurs, les activités et les apprentissages reflétaient bien les défis du marché du travail. Nous étions deux filles au départ, mais la seconde a rapidement abandonné. J’étais bien intégrée dans mon groupe, respectée et je performais super bien, si bien qu’on m’a proposé un stage au Nouveau-Brunswick — une expérience très enrichissante où j’ai beaucoup appris de manière concrète, entre autres en service à la clientèle — ». La même année, elle remporte une bourse Chapeau, les filles! Ses professeurs lui proposent alors de participer aux Olympiades des métiers. « J’ai terminé première de mon école, puis de ma région. Je me suis entraînée ensuite les soirs et les fins de semaine pour les compétitions québécoises avec différentes simulations. C’était une aventure que j’ai prise très au sérieux ».
À Québec, le site des compétitions lui fait forte impression : « Les juges, l’épreuve de monter une voiture avec différents tuyaux… Je vais m’en souvenir toute ma vie ».
« Les professeurs, les activités et les apprentissages reflétaient bien les défis du marché du travail. Nous étions deux filles au départ, mais la seconde a rapidement abandonné. J’étais bien intégrée dans mon groupe, respectée et je performais super bien, si bien qu’on m’a proposé un stage au Nouveau-Brunswick. »
Karine Boucher, plombière
Débuts difficiles sur les chantiers « Les professeurs, les activités et les apprentissages reflétaient bien les défis du marché du travail. (…). J’étais bien intégrée dans mon groupe, respectée et je performais super bien, si bien qu’on m’a proposé un stage au Nouveau-Brunswick » Karine Boucher Karine obtient son diplôme en 2010. Elle figure parmi les meilleurs étudiants de la classe : « À 21 ans, avec mon diplôme tout frais en poche, j’ai commencé à travailler pour une PME afin de commencer à comptabiliser mes 150 heures pour devenir 1re année. Nous avons, entre autres, travaillé à la construction de la nouvelle Bibliothèque Raymond-Lévesque à Saint-Hubert ».
Très vite, Karine subit de l’intimidation de la part des autres corps de métier : « C’était très difficile de me faire respecter. J’étais jeune, naïve, une fille bien élevée qui ne disait pas de gros mot. Il fallait sans cesse prouver ma légitimité, me faire une carapace pour me protéger. C’était difficile de rester moi-même et ça m’a épuisé ».
Les menaces constantes proférées par un collègue l’amènent à quitter son emploi. Elle travaille ensuite comme commis dans une quincaillerie tout en réévaluant son choix de carrière et en envisageant un retour à l’école. Elle s’inscrit en génie civil pour la rentrée en septembre 2011. C’est là qu’elle a reçu l’appel de Gaz Métropolitain, aujourd’hui rebaptisé Énergir pour un entretien d’embauche.
Les menaces constantes proférées par un collègue l’amènent à quitter son emploi. Elle travaille ensuite comme commis dans une quincaillerie (…). C’est là qu’elle a reçu l’appel de Gaz Métropolitain, aujourd’hui rebaptisé Énergir pour un entretien d’embauche.
Une bonne job Selon Karine Boucher, les femmes sont susceptibles de vivre des problèmes tant que les secteurs traditionnellement masculins n’auront pas atteint une masse critique de femmes. Ça, c’était il y a 9 ans. Depuis, Karine confie qu’elle se pince tous les matins avant de se rendre au travail. Elle est heureuse d’exercer le métier qu’elle aime dans une atmosphère saine et en compagnie de gens formidables : « C’est un cadeau de la vie pour moi ». La plomberie est souvent associée à un travail salissant, sur appel, qui consiste à déboucher des toilettes et des éviers de cuisine. Ça peut être ça, mais cela peut être aussi toutes sortes de choses, indique Karine : « C’est plein de petits jobs dans mon emploi. Il y a tellement de choses à apprendre. On a des appels d’urgence, on fait des installations et des inspections. Il n’y a pas deux jours pareils ». Elle a débuté comme technicienne de réseaux division exploitation après une formation payée de 6 mois en entreprise puis quelques années plus tard, Karine a intégré son poste actuel au secteur raccordement : « On travaille en équipe de deux avec un opérateur de machinerie lourde et on se promène partout à travers le Québec pour installer un réseau moderne tout en condamnant des parties vieillissantes de l’ancien réseau. J’ai un camion fourni, mes vêtements, mes bottes, de bonnes assurances et surtout, j’évolue dans une atmosphère de travail respectueuse ».
Métier : Plombière « Il y a du chemin à faire sur les chantiers. Il faut être forte mentalement, indépendante, ne pas flirter, mais adopter une attitude positive d’égale à égale », considère Karine Boucher Aujourd’hui à 31 ans, mère d’une petite fille avec sa conjointe, Karine ne regrette pas le chemin parcouru : « C’est un super beau métier! Ma grand-mère, très moderne, m’a souvent répété : « Si un gars peut le faire, tu peux le faire ». Néanmoins, on constate que les femmes sont susceptibles de vivre des problèmes tant que les secteurs traditionnellement masculins n’auront pas atteint une masse critique de femmes. Pour Karine Boucher, les difficultés ont surtout été de nature relationnelle : Relations de travail conflictuelles, impression de travailler sous surveillance, harcèlement psychologique, langage abusif, attitude hostile, sexisme… « Heureusement que certaines grandes entreprises pavent la voie, comme Énergir en embauchant davantage de femmes », se réjouit-elle.
On constate que les femmes sont susceptibles de vivre des problèmes tant que les secteurs traditionnellement masculins n’auront pas atteint une masse critique de femmes.
Femme dans les métiers de la construction Le futur ? À 31 ans, mère d’une petite fille avec sa conjointe, Karine ne regrette pas le chemin parcouru et regarde l’avenir avec confiance. Si les femmes sont plus nombreuses dans les écoles de formation dans les métiers professionnels et techniques, encore aujourd’hui, elles sont sous-représentées dans l’industrie de la construction. Car c’est au moment de se frayer une place sur les chantiers que plusieurs abandonnent leurs métiers. « Il y a du chemin à faire sur les chantiers. Il faut être forte mentalement, indépendante, ne pas flirter, mais adopter une attitude positive d’égale à égale », considère Karine. Ce n’est pas un métier facile. C’est dur physiquement et la fille doit toujours être un peu meilleure ».
Objectif : 3 % Selon les plus récentes statistiques de la Commission de la construction du Québec (CCQ), le nombre de femmes tuyauteuses — le terme reconnu pour plombière — a presque doublé en quatre ans, passant de 46 femmes en 2015 à 86 femmes en 2019. Malgré cette croissance, la cible d'au moins 2 % de tuyauteuse fixée en 2018 par le Programme d’accès à l’égalité des femmes (PAEF) dans l’industrie de la construction n'est pas encore atteinte à ce jour. La CCQ et les partenaires de l’industrie de la construction présenteront bientôt une seconde phase du PAEF qui s’étendra jusqu’en 2024 afin de mettre en œuvre des actions pour contrer les enjeux persistants (pratiques discriminatoires, harcèlement, abandon, écarts entre le parcours des femmes et des hommes, etc.) et pour soutenir le parcours des femmes, le changement de culture et l’assainissement des climats de travail sur les chantiers.
(…) le nombre de femmes tuyauteuses — le terme reconnu pour plombière — a presque doublé en quatre ans, passant de 46 femmes en 2015 à 86 femmes en 2019.