Lorsqu’on regarde le parcours de Mélanie Prévost enseignante en plomberie chauffage à l’École Polymécanique de Laval, on pourrait dire que la passion s’est transmise de père en fille. « J’ai fait une session en arts et lettres au cégep, mais je n’ai pas aimé cela », répond-elle quand on lui demande pourquoi elle a entrepris des études en plomberie-chauffage. « Je crois que mon père ne souhaitait pas que je suive sa trace, alors comme il ne voulait pas, j’ai décidé de faire le contraire, poursuit-elle en riant. Plus sérieusement, je me suis dit, je vais aller développer mes habiletés manuelles. Au début de ma formation, je n’étais même pas capable d’accrocher un cadre au mur! »
Une fille parmi les gars Mélanie Prévost est enseignante en plomberie-chauffage à l’École Polymécanique de Laval. Un métier est dit traditionnellement masculin ou féminin lorsqu’un groupe (hommes ou femmes) y est représenté à moins de 33 %. Emploi-Québec répertorie plus d’une centaine de métiers considérés comme traditionnellement masculin ou féminin. Plomberie-chauffage est un exemple typique de métier où les filles sont quasi absentes. Dans les années 90, à 18 ans, Mélanie se retrouve alors seule fille avec une vingtaine de gars pour apprendre son métier. « Au début, personne de mon entourage ne croyait en mon projet, se remémore-t-elle, mais j’ai décidé de poursuivre. Mon objectif premier était de développer un maximum de compétences. J’ai utilisé ma débrouillardise et j’ai réussi. Dans mon métier, on ne fait pas que réparer des appareils de chauffage et installer de la tuyauterie, nous sommes amenés à développer une multitude d’habiletés techniques, on a une petite base dans tout, ça fait en sorte qu’on devient vraiment polyvalent. Aujourd’hui, je peux réparer tout ce qui se brise dans ma maison ».
Spécialisation et marché du travail Un métier est dit traditionnellement masculin lorsque le pourcentage de représentation de femmes dans le métier est inférieur à 33%. Concernant le métier de plombier, il ne dépasse pas les 1%. Mélanie Prévost a choisi ce métier, car elle souhaitait acquérir des compétences variées, et devenir polyvalente. Surtout, elle s’est orientée vers un secteur où elle était certaine de ne pas manquer de travail. Rappelons pour les plus jeunes qu’elle a entrepris son parcours scolaire dans le contexte de la récession du début des années 90, où le taux de chômage frôlait les 12 % au pays.
De son propre aveu, son poids plume et son 1,52 m ne lui donnaient pas la morphologie idéale pour travailler dans son domaine, sachant qu’elle n’était pas du tout manuelle au départ et que le coffre à outils peut peser une trentaine de kilos. En revanche, sa joie de vivre, sa débrouillardise et sa volonté d’apprendre compensaient les centimètres et les kilos en moins.
En plomberie-chauffage, il y a deux spécialités. Mélanie Prévost s’est dirigée en chauffage : les systèmes de chauffage à l’huile, à l’air chaud et à l’eau chaude n’ont plus de secrets pour elle. Elle a terminé son cours en 1995 au centre qui est devenu aujourd’hui l'École des métiers de la construction de Montréal (EMCM) avant de commencer sa carrière à l’emploi de grandes pétrolières. « Je me suis retrouvée seule dans mon camion à répondre à différents appels de service. Peu importe le problème, il fallait que je le règle et que cela fonctionne ».
Dans les premiers temps, la jeune femme se rend chez les clients pour faire des mises au point ou des ajustements sur leurs systèmes de chauffage : « Lors de mes premières visites, certains clients me regardaient arriver, puis regardaient en arrière, semblant attendre l’arrivée de mon père, se souvient-elle en riant. Ça, c’était particulier, mais les clients se sont habitués à moi ».
« Dans mon métier, on ne fait pas que réparer des appareils de chauffage et installer de la tuyauterie, nous sommes amenés à développer une multitude d’habiletés techniques, on a une petite base dans tout, ça fait en sorte qu’on devient vraiment polyvalent. »
Mélanie Prévost, enseignante en plomberie chauffage
Changement d’orientation Pionnière de la compétence, Mélanie Prévost est également experte dans la discipline Chauffage dans le cadre des Olympiades québécoises des métiers et des technologies. Ce sont les quarts de travail de soir, de nuit, et l’obligation de travailler à Noël et lors des différentes fêtes qui l’ont amené à envisager de changer d’emploi. « Lorsqu’on travaille en chauffage, hors du domaine de la construction, les horaires constituent un gros inconvénient; les systèmes de chauffage brisent à tout moment et les problèmes de chauffage cela n’attend pas! »
Mélanie travaille quelques années pour la municipalité comme tuyauteuse, puis faute d’obtenir un poste permanent, elle se dirige vers l’enseignement : « J’avais cumulé différentes expériences sur une vingtaine d’années et j’avais envie de stimuler mon côté intellectuel ». Comme enseignante, Mélanie a aussi l’impression de participer à former la relève de demain. Là encore, elle fait figure de pionnière, alors que la profession compte seulement trois femmes dans tout le Québec. « D’une certaine façon, j’ai tracé le chemin pour certaines femmes. Il faut dire que dans la plomberie-chauffage, les femmes manquent à l’appel. On les compte sur les doigts d’une main ».
L’Aventure des Olympiades En 2011, en tant qu’entraîneuse, elle a même atteint la dernière étape du processus des Olympiades en se rendant au Mondial des métiers à Londres. L’enseignante à l’École Polymécanique de Laval s’est jointe aux Olympiades des métiers en 2008. « J’ai entraîné des jeunes puis j’ai été chef d’atelier et juge. J’ai un peu touché à tout » résume-t-elle. Son plus beau souvenir ? Lorsque son candidat Maxime Piché s’est rendu jusqu’au Mondial, à Londres, en 2011. « C’est une grande fierté de voir les jeunes évoluer, et c’est pour eux qu’on fait tout cela ».
Récemment, Mélanie a approché Compétences Québec pour leur proposer d’instaurer une nouvelle discipline, en chauffage, et elle se retrouve aujourd’hui experte pour cette compétition à tout mettre en place pour que les jeunes compétitionnent dans ce métier qui la passionne. « Un gros défi à relever! »
Comme enseignante, Mélanie a aussi l’impression de participer à former la relève de demain. Là encore, elle fait figure de pionnière, alors que la profession compte seulement trois femmes dans tout le Québec.
Selon l’enseignante, le métier a profondément changé et il est important de continuer à faire la promotion de ce métier, en particulier auprès de la clientèle féminine. Cela fait maintenant 25 ans que Mélanie navigue dans un métier traditionnellement masculin. Les blagues, ou la surprise de certains clients à voir arriver une fille auraient pu la décourager, mais au contraire, elle espère l’arrivée de davantage de femmes dans la profession : « Je crois que les femmes pensent que la plomberie et le chauffage sont difficiles physiquement, et que cela les freine. Il faut continuer la promotion, car le métier a grandement évolué. Avec l’outillage qui est mis à notre disposition, ce n’est plus si difficile. Il faut simplement apprendre à utiliser les outils correctement. Et les femmes sont un apport au milieu de travail ».
« Je crois que les femmes pensent que la plomberie et le chauffage sont difficiles physiquement, et que cela les freine. Il faut continuer la promotion, car le métier a grandement évolué. »
Mélanie Prévost, enseignante en plomberie chauffage
La mixité en milieu de travail est une plus-value reconnue et permet, entre autres, de répondre à la pénurie de main-d’œuvre. Effectivement, selon Extra Ressources , la mixité en milieu de travail a de nombreux avantages, notamment de diversifier les méthodes de travail, de répondre à la pénurie de main-d’œuvre et de marier les forces complémentaires des hommes et des femmes.
Mélanie croit aussi que pour être heureuse dans ce milieu, il faut être débrouillarde et savoir prendre sa place sans prendre trop de place. « Il faut avoir la volonté de se surpasser. Personnellement, je trouve que j’ai eu une belle carrière, et que j’ai eu de la chance. Lorsqu’on travaille bien, qu’on adopte de belles qualités professionnelles, ça apporte le respect dès le départ. Et puis, il faut être prête à se faire taquiner de temps en temps. D’ailleurs, on ne dit pas qu’on taquine ceux qu’on aime? » ajoute-t-elle.