Keely Shay a fait ses études à Karihwanoron, une école d’immersion où l’on enseigne uniquement en Kanien’kéha (langue mohawk) : « C’était un environnement familial, il y avait peut-être 50 élèves tout au plus à l’époque, se souvient-elle. Bien sûr, les professeurs faisaient les mathématiques, la lecture et l’écriture, mais ils se concentraient davantage sur l’enseignement de notre culture, de notre langue et la relation avec la Terre mère. »
« Je suis enfant unique, mais je viens d’une famille nombreuse. J’ai vingt cousins germains, quatre tantes, trois oncles, en plus de mes grands-parents, mais mon grand-père est décédé. Mes oncles et lui travaillaient comme monteurs de charpentes métalliques dans la ville de New York »
Keely Shay Tekawisahá:wi, étudiante en charpenterie-menuiserie
Expériences et apprentissages Keely Shay a fait ses études à Karihwanoron, une école d’immersion de niveau primaire où l’on enseigne uniquement en Kanien’kéha (langue mohawk) avant de rejoindre l’école secondaire Kahnawà:ke Survival School (KSS). Après l’école primaire, Keely Shay fréquente l’école secondaire Kahnawà:ke Survival School (KSS), mais elle décroche à 15 ans : « J’avais la tête dure. Je me disais : Non, je n’ai pas besoin de faire ça. Je m’imaginais terminer à l’éducation des adultes et, à partir de là, faire mon cours de charpenterie. Mais les choses ne se sont pas passées comme ça. » Sa mère, mécontente de sa décision, lui a dit: « Si tu ne vas pas à l’école, tu vas m’aider à payer les factures. » Keely Shay travaille alors comme gardienne d’enfants. « Quand je me suis finalement inscrite à l’éducation des adultes, j’ai obtenu mon General Educational Development (GED, équivalence d’études secondaires). J’ai même fini avant mes camarades en onzième année, poursuit-elle fièrement.
À ce moment, j’avais toujours des enfants avec moi, les enfants de mes cousins et de mes amis, j’avais ma propre petite garderie, je gagnais bien ma vie pour une jeune de 17 ans. Au fil du temps, ma mère m’a fait la réflexion : « Tu es bonne avec les enfants, tu as toujours des enfants autour de toi... » Il y avait le collège régional Champlain de Saint-Lambert qui offrait dans la communauté un programme intensif en techniques d’éducation à l’enfance, alors j’ai décidé de suivre cette formation collégiale. »
Retour à la petite école Après avoir décroché, elle ouvre sa garderie, complète le programme de techniques d’éducation à l’enfance et poursuit même un baccalauréat en éducation au sein de Kahnawake, en partenariat avec l’Université McGill. À 19 ans, fraîchement diplômée, Keely Shay commence à enseigner aux jeunes de sa communauté. Elle travaille pendant quatre ans comme titulaire de classe, tout en poursuivant son baccalauréat en éducation au sein de Kahnawake, en partenariat avec l’Université McGil l. « À l’école de la communauté, nous transmettions tout ce que les enfants doivent apprendre en Kanien’kéha. » Mais la pandémie de COVID-19 change les choses. « Je ne pouvais plus enseigner le basket, car tous les sports étaient suspendus.
Je me suis mise à réfléchir à mon avenir. J’avais toujours l’intention de faire mon cours de charpenterie, mais les filles à qui j’enseignais le basket étaient tristes à l’idée de mon départ, alors je suis finalement restée une année de plus. Mais, à un certain moment, je me suis dit : il est temps de faire ce que j’ai toujours voulu faire. »
La naissance d’une passion Alors qu’elle y pensait depuis son enfance, elle rejoindra finalement le centre de formation professionnelle (CFP) Chateauguay Valley Career Education Centre (CVCEC) pour un DEP en Charpenterie-menuiserie. Depuis sa plus tendre enfance, Keely Shay veut construire. Cet intérêt est né dans un champ de joncs bleus derrière sa maison : « Les enfants du quartier et moi, on faisait un labyrinthe et on voulait créer un club. Ma mère avait une remise et j’ai toujours imaginé que je pourrais construire quelque chose dessus.
Il y avait un marteau et des clous qui traînaient. Je ne savais pas ce que je faisais, mais j’enfonçais des planches dans un 4 × 4, même si à l’époque je ne savais pas comment ça s’appelait. J’ai fabriqué une échelle pour jeter un coup d’œil dans la maison et j’ai toujours pensé à la façon dont je pourrais changer les choses dans différentes maisons. À partir de 14 ans, j’ai appris l’existence de l’école de métiers, et je me suis dit : Voilà. Je veux faire de la charpenterie. »
CFP Châteauguay Valley Avec l’appui financier de l’agence de développement économique Tewatohnhi’saktha et le conseil de bande, elle débute sa formation et étudie pour la première fois en dehors de Kahnawake. La jeune femme s’inscrit finalement en septembre 2021 au centre de formation professionnelle (CFP) Chateauguay Valley Career Education Centre (CVCEC) . L’agence de développement économique Tewatohnhi’saktha et le conseil de bande lui apportent un soutien financier. Elle a alors 23 ans, mais elle n’est jamais allée à l’école à l’extérieur de sa communauté. « J’ai vécu un certain choc culturel à mon arrivée au CFP parce que c’était la première fois que je me retrouvais à étudier à l’extérieur de Kahnawake, mais je suis quelqu’un de très sociable et la transition a été facile. Nos enseignants sont merveilleux. Ils veulent que nous réussissions, ils veulent que nous ayons une expérience complète et ils nous transmettent toutes leurs connaissances afin que chacun atteigne son plein potentiel. »
« Pourquoi les femmes hésitent-elles à choisir un métier traditionnellement masculin? Nous sommes tous des personnes, je crois, et, si les gens peuvent faire des choses, les femmes peuvent construire des choses, nous avons juste des outils différents. »
Keely Shay Tekawisahá:wi, étudiante en charpenterie-menuiserie
Et l’avenir ? Keely Shay souhaite intégrer le milieu de la construction. Une femme dans un métier d’homme ? Le racisme ? Keely Shay est prête à relever les obstacles et faire changer les mentalités. Il est temps d’apprendre le métier de charpentière Lorsqu’elle aura terminé sa formation de 1350 heures, Keely Shay veut travailler dans l’industrie de la construction et adhérer à un syndicat. Elle entend également terminer de construire son chalet dans les Laurentides afin d’y couler des jours heureux avec ses chiens, Ally et BusterBazoo. Elle envisage d’aller travailler un temps dans l’Ouest canadien, avant de rentrer à la maison. En tant que femme et Mohawk, a-t-elle peur de faire l’objet de discrimination, dans le monde de la construction? « Il y a toujours du racisme. Le racisme est encore bien vivant aujourd’hui. Moi, je ne comprends pas ça, je ne le tolère pas, et je suis prête à me défendre. Heureusement, l’école est un espace sécuritaire. Et puis j’aime le travail acharné, j’aime travailler pour ce que je veux, » conclut-elle avec aplomb.