« Vous savez, nous ne sommes que 53 briqueteuses-maçonnes en activité au Québec , glisse Patricia Fréchette, au cours de l’entrevue où elle nous raconte son parcours de formation; je n’ai jamais eu la chance de rencontrer une autre femme qui fasse mon métier. Mais cela ne m’empêche pas de foncer et de relever ce défi! »
Se retrouver en minorité Le premier jour, la jeune fille originaire de Saint-Hyacinthe n’en menait pas large : « C’était un peu stressant, j’étais intimidée d'être la seule fille dans la classe, mais mes craintes n’étaient pas fondées, tout s’est bien passé pour moi. Il faut dire que les mentalités évoluent, les gars sont contents de notre présence, les enseignants aussi. »
Un cours…physique? Au centre CFPPO, la formation est majoritairement dispensée en atelier et les journées ressemblent à ce que les finissants vivront sur les chantiers. C’est un apprentissage physiquement exigeant, personne ne peut le nier, mais qui prépare de façon réaliste au métier, considère Patricia : « Les charges sont lourdes, surtout dans le secteur commercial. » Comment s’y préparer? Est-ce possible d’adapter les taches? « On s’habitue, tout simplement, répond-elle. Mon corps s’est fait au travail. » Patricia a douté de son choix, longtemps. « Mais plus les projets gagnaient en difficulté, plus je trouvais ça l’fun et plus j’aimais ça. En maçonnerie, c’est vraiment épatant de voir le résultat de son travail. La brique c’est beau, c’est noble. »
Pour évoluer dans un métier traditionnellement masculin, il faut apprendre à accepter les commentaires. Personnellement, je crois que cela ne sert à rien de s’offusquer. Pour moi, les choses insignifiantes rentrent par une oreille et sortent par l’autre. Heureusement, les vieux machos…se font vieux, et ils sont de moins en moins nombreux
Patricia Fréchette, briqueteuse-maçonne
Trouver sa voie Avant de choisir la formation professionnelle, Patricia a suivi des études collégiales en techniques de l’architecture, ce qui représentait son rêve de jeunesse, mais elle a pris conscience que ce métier n’était pas pour elle. Elle a suivi de nombreux programmes Élève d’un jour pour trouver ce qui lui plaisait .
Patricia a déménagé dans la région de Gatineau pour suivre un cours en rénovation à La Cité, collège d'arts appliqués et de technologie de langue française en Ontario. C’est cette formation qui l’a décidée à entreprendre le DEP en briquetage-maçonnerie. « J’avais envie d’un métier où ça bouge, et j’adore les briques. Travailler en maçonnerie, c’est aussi participer à construire de belles choses qui vont rester en place des décennies. C’est une réelle fierté! » Son entourage, qui l’a soutenue pendant toute sa période de recherche, est bien content de la voir s’épanouir dans son futur métier.
Et une candidate aux Olympiades! Les olympiades des métiers et des technologies sont arrivées dans sa vie comme un beau défi qu’elle ne pouvait pas laisser passer : « Mes enseignants m’ont dit que je serais une bonne candidate. Il me fallait alors simplement dépasser mes craintes et profiter d’une occasion exceptionnelle pour me perfectionner. » Avec son enseignant et entraîneur Jean-Philippe Mathieu, elle a refait entièrement le programme en vue des compétitions.
Compétitionner devant public Lors des deux jours de compétitions, Patricia dit avoir trouvé difficile de travailler sous pression, sous le regard du public. En même temps, elle a été curieuse et intéressée par les techniques des autres candidats en compétition. « Même si je n’ai pas réussi à terminer les épreuves, j’ai eu droit à des commentaires positifs des experts et des juges. Ça m’a enthousiasmée de constater que j’étais meilleure que ce que je croyais au départ! »
Métier : briqueteuse-maçonne Les briqueteuses-maçonnes et les briqueteurs-maçons taillent, scient et posent des briques. Ils construisent des cloisons avec des blocs de pierre, de béton ou de verre pour en faire des murs ou des cloisons.
Sur les chantiers, ils préparent le mortier et tire les joints. Ils peuvent également avoir pour tâche d’installer des éléments architecturaux, de poser des isolants et des matériaux sur des foyers, des fours et des fournaises ou encore de faire des réparations de maçonnerie. C’est un métier qui convient aux personnes productives, minutieuses et perfectionnistes, indique Patricia.
Un emploi dans la construction à titre de briqueteur-maçon réclame une bonne endurance physique, une excellente vision et un bon sens de l’équilibre, même en hauteur. À cela s’ajoute qu’il faut être prêt à travailler en extérieur, malgré les aléas de la météo. «L’été, il fait chaud à côté d’un mur de briques! »
Les perspectives d'emploi seront limitées pour les briqueteurs-maçons/briqueteuses-maçonnes au Québec jusqu’en 2024[1] . Au Québec, environ 3 850 personnes occupent un poste dans cette profession et de ce nombre, 1,1% étaient des femmes en 2021[2] . Patricia est prête à s’intégrer dans ce métier traditionnellement masculin : « Les chantiers, ça reste encore très macho, mais la génération macho part tranquillement à la retraite; ce sera une nouvelle ère pour les femmes. »
C’est un métier qui attire peu les femmes, considère Patricia : « Évidemment, voir d’autres femmes exercer ce métier, ça aide, ça démontre que c’est possible. »
Un jour, la jeune femme rêve de lancer son entreprise en maçonnerie ou en rénovation. On lui souhaite !
[1] Ces perspectives d’emploi ont été produites en fonction de la version 2016 de la Classification nationale des professions (CNP).
[2] Statistiques fournies par la Commission de la Construction du Québec (CCQ)