Destiny, 22 ans, ne craint ni les préjugés ni les moteurs récalcitrants. « Jeune, je n’ai jamais eu d’intérêt particulier pour les voitures ou la mécanique, raconte-t-elle. J’avais de bons résultats et de la facilité à apprendre au secondaire, mais le cégep n’était pas pour moi. Après avoir abandonné, je me suis retrouvée à accumuler les petits emplois. Je suis allée quelque temps à Montréal pour trouver ma voie , mais la pandémie m’a fait revenir à la maison, en Abitibi. Un ami qui entreprenait le DEP en mécanique automobile au CFP Val-D'Or m’a encouragée à me joindre à lui. Je n’avais pas de projet particulier, mais j’étais convaincu qu’avoir un diplôme quel qu’il soit était une bonne chose; mes parents étaient contents que je me remette sur le chemin de l’école et j’avais toujours eu des aptitudes manuelles, alors j’ai dit pourquoi pas! . »
Banc d'essai Dès son premier cours au DEP en mécanique automobile, Destiny fait rire ses camarades en demandant si les bougies ne vont pas mettre le feu au moteur. « Mon meilleur ami me taquinait, me disait que cela allait être drôle de me voir aller , mais les enseignants avaient une attitude tellement accueillante qu’on pouvait poser les questions les plus élémentaires sans gêne, et j’ai rapidement fait mes armes. »
En l’espace de quelques semaines, l’écart de connaissances qui séparait Destiny des autres élèves ayant déjà de l’expérience en mécanique disparaît et comme les quelques autres filles qui font partie de sa cohorte, elle performe bien : « Après avoir longtemps douté de mon choix, je me suis surprise à avoir du plaisir, à développer ma passion pour les moteurs. La mécanique fait appel à la résolution de problèmes, ce que j’ai toujours aimé. À un certain moment, je me suis dit, oui, c’est pour moi, je vais en faire un métier, une carrière. »
Les épreuves de la vie Il serait cependant faux de croire que le chemin de Destiny a toujours été facile. Née à Kawartha Lakes, dans le sud-est de l’Ontario, elle a dû être placée en famille d’accueil comme sa sœur, encore bébé, en raison de la négligence de ses parents biologiques. En quelques années, elle a déménagé de famille d’accueil en famille d’accueil avant de trouver « sa » famille en Abitibi, celle où elle habite encore aujourd’hui et d’être adoptée à 11 ans. « Je suis passée de l’école anglaise à l’école française et par bien des déménagements, et comme j’étais jeune, je ne comprenais pas toujours », confie-t-elle. Heureusement, elle a surmonté les épreuves grâce au soutien de ses parents adoptifs. Elle a développé une passion pour les sports, la gymnastique et le volleyball en tête, et aussi pour les mathématiques et les sciences.
Un secteur qui se démocratise Destiny garde un souvenir heureux de sa formation au CFP Val-D'Or : « Les enseignants sont tellement aimables! Toujours prêts à nous aider, plein d’astuces pour nous faire comprendre. » Elle ajoute que ce centre, récemment rénové, offre un milieu d’apprentissage agréable et lumineux où rien ne manque. « Au CFP, j’ai développé ma confiance en moi. C’était la meilleure chose qui pouvait m’arriver! »
Moi qui étais habituée à m’habiller chic, j’ai trouvé cela très salissant dans un garage. On rentre à la maison et il faut se laver les cheveux deux ou trois fois pour enlever l’huile à moteur, mais sinon, j’adore l’atmosphère. On est comme une petite famille et tout le monde collabore
La compétition, pour les autres? Lorsque les enseignants lui proposent de participer aux Olympiades des métiers, Destiny est réticente : « Je n’aime pas la compétition. C’est bien du stress! » À force de persuasion, elle accepte, remporte l’épreuve régionale et s’entraîne pour les finales québécoises : « J’ai adoré mon expérience, même si des problèmes de santé m’ont empêché de finir certaines épreuves. »
Chasse gardée masculine? Encore en 2024, la mécanique automobile est une chasse gardée masculine à 98,4 %, peut-on lire sur la page de Camo Route, le comité sectoriel de main-d’œuvre de l’industrie du transport routier au Québec.
Au centre de formation comme dans le garage où elle travaille depuis 18 mois, Destiny n’a pas eu à lutter pour se faire respecter. Elle n’a jamais eu peur de ne pas trouver de travail dans son domaine : « J’évolue avec la nouvelle génération et tout le monde est heureux de la mixité, se réjouit-elle. » Elle ajoute : « Comme nous sommes désormais plus nombreuses, nous les femmes, cela contribue aussi à changer la donne, et tout le monde y gagne finalement. »
Faire connaître les nouvelles réalités Pour attirer plus de femmes dans le milieu de la mécanique, Destiny croit qu’il faut aussi entendre le point de vue des gars : « Les filles ont peur d’être mal reçues, mais c’est tout le contraire. Il faudrait leur présenter la nouvelle génération qui travaille dans les garages! » Et quelles aptitudes exigent le métier, outre une bonne forme physique? » « Il faut aimer apprendre pour avancer dans le métier, car la mécanique évolue constamment. Actuellement, les voitures électriques sont de plus en plus nombreuses. » Elle ajoute : « Ma formation m’a bien préparée au métier, entre autres pour tout l’aspect santé et sécurité qui est essentiel, mais dont on ne saisissait pas l’importance à école, et j’ai eu la chance de travailler avec un contremaître qui me poussait à essayer de nouvelles choses, à me dépasser. »
Travailler au pays du moteur cylindré : dur pour le corps La mécanique automobile, un des derniers bastions masculins, demeure un métier très exigeant sur le corps, autant pour les hommes que pour les femmes. « Se glisser sous une voiture, particulièrement l’hiver lorsqu’elle dégèle doucement dans le garage et qu’on reçoit la glace fondue et de l’huile de moteur, n’est pas la position la plus confortable, illustre Destiny. Affligée par des maux de dos chroniques - elle souffre d’une scoliose -, la mécanicienne a été réaffectée aux pièces. Elle fait contre mauvaise fortune bon cœur : « Je voulais rester dans le domaine, alors c’est un bon compromis et j’adore mon emploi actuel. Cela me permet d’apprendre de nouvelles compétences et d’observer comment fonctionne ce service dans un garage. » Elle a comme tâches, entre autres choses, de traiter les bons de commande des mécaniciens, leur fournir les pièces nécessaires aux réparations ou rechercher les pièces manquantes auprès des autres concessionnaires. « Un jour, je souhaite ouvrir mon propre garage de mécanique, alors cette expérience me sera utile, comme une formation en gestion que je considère suivre. »