Coiffeur, puis employé du train Né en 1991 dans le village de Saint-Chamond, près de Lyon, Jean-Baptiste, cadet d’une famille de trois enfants, a grandi à Saint-Paul-en-Jarez, en région rurale. Élève appliqué, passionné d’automobiles, d’architecture et de plein air, il a eu un parcours sans histoire.
Ses parents, aujourd’hui retraités de la fonction publique hospitalière, l’appuient et l’encouragent. Ses deux grandes sœurs, avec plus de dix ans d’écart, lui ont donné, souvent, l’impression d’avoir eu trois mamans. À 18 ans, après l’obtention du baccalauréat sanctionnant la fin des études secondaires générales en France, le jeune homme décide de partir de la maison pour vivre avec son amoureux. Il s’inscrit alors dans une école de coiffure privée et s’installe dans son premier appartement. Après seulement un an de pratique, il délaisse la coiffure et travaille comme commis dans le commerce, avant d’avoir l’occasion de rejoindre la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), un emploi qu’il occupe jusqu’à son départ pour le Québec.
Un rêve vivace Un choix gagnant qui lui a ouvert les portes de l’entreprise D’loft dont il prendra la direction. Au cours des ans, Jean-Baptiste n’a jamais arrêté d’effectuer des recherches sur Internet afin de nourrir son projet « Canada » : « Les dernières années, à la SNCF, je devais faire une longue route matin et soir, ce qui me permettait de réfléchir. À un moment, il y a eu pour moi un déclic. Je ressentais un besoin de changement, motivé par un désir de tout recommencer, de prendre un nouveau départ. J’ai décidé d’entreprendre une réorientation professionnelle au Québec avec l’aide de Québec Métiers d’avenir. »
Se faire une vie ailleurs Le métier de décorateur intérieur nécessite de la créativité ce qui réclame des habiletés en dessin et en communication. Une carrière comme décoratrice convient aux personnalités polyvalentes, courtoises et minutieuses qui suivent l’évolution des tendances. Après avoir rempli toutes les démarches administratives, on l’informe qu’il doit commencer une formation au cours des deux années suivantes. Il reçoit ensuite un appel : une place s’est libérée dans la ville de Québec. Est-il déjà prêt à entreprendre sa formation ? Six mois plus tard, le jeune homme met les pieds à Québec. « Quitter la France, ma famille, mes amis et mon conjoint pour venir m’installer ici a été une grosse épreuve, commente-t-il aujourd’hui avec le recul.
Mon conjoint et moi avons vécu séparé une année avant qu’il puisse me rejoindre ici. Mais, dans la vie, il faut parfois traverser les barrières et, oui, faire preuve de ce que certains considèrent comme de l’égoïsme, pour oser aller se faire une vie ailleurs. Qu’est-ce qu’on a à perdre ou à prouver ? Mon grand-père disait toujours : « S’il y a un doute, c’est qu’il n’y a pas de doutes ! »
Réorientation professionnelle Selon Jean-Baptiste, la formation professionnelle québécoise est une excellente filière qui ouvre de nombreuses portes : « La formation nous fournit des compétences reconnues et permet d’avoir un accès rapide au marché du travail. »
Il a suivi le DEP en décoration intérieure et présentation visuelle au centre de formation professionnelle Marie-Rollet, à Sainte-Foy. Entre 2018 et 2020, l’aide et le soutien logistique apportés par Québec Métiers d’avenir lui ont été précieux : « Ils ont été mon premier contact avec le Québec. Toujours de bon conseil tout au long de ma scolarité. Périodiquement, je recevais un de leurs courriels, cela me faisait toujours plaisir. »
Le DEP en décoration intérieure et présentation visuelle Axée sur les besoins de l’industrie, la formation au centre de formation professionnelle Marie-Rollet est offerte, en partie, en enseignement magistral, ce qui a un peu désarçonné Jean-Baptiste dans les premiers temps, lui qui avait hâte aux ateliers pratiques. Il a néanmoins apprécié la qualité de l’enseignement et a su développer ses aptitudes en décoration intérieure ainsi qu’en présentation visuelle de vitrines de commerces et d’événements, notamment avec une exposition finale au Salon Expo-Habitat : « La décoration a toujours été une passion. Le DEP m’a permis de valider des choses que je savais de façon intuitive, mais aussi de me donner un cadre et de m’ouvrir à une autre façon de voir les choses. »
Métier : décorateur Pendant ses 18 mois d’études, l’apprenti décorateur travaille à temps partiel dans différentes boutiques de décoration, dont D’Loft, une boutique de meubles en bois massif, où il est devenu directeur dès l’obtention de son diplôme en mai 2020. Un an plus tard, il rachète des parts de l’entreprise lorsque Richard, le propriétaire, prend sa retraite. « Richard m’a intégré dans la “famille D’Loft” pendant ma formation, il m’a accordé sa confiance, transmis son savoir et m’a beaucoup aidé. Lorsque la possibilité de donner une continuité à son travail m’a été offerte, je n’ai pas réfléchi deux fois. »
Travailler comme décorateur est un métier créatif qui réclame des habiletés en dessin et en communication, et une personnalité courtoise, minutieuse et polyvalente. Dans ses nouvelles fonctions de directeur, Jean-Baptiste conseille la clientèle, crée des concepts de vitrines, recrute le personnel, organise des promotions et des activités de marketing.
Il ne compte pas ses heures et s’investit pleinement : « J’adore mon travail ! Au-delà de l’esthétisme, il y a un côté humain à ne pas négliger. On participe à quelque chose d’important dans la vie des gens, à faire en sorte que leur décor leur ressemble et qu’ils soient bien dans leur environnement, qu’ils aient une vie plus facile. C’est important. »
La décoration a toujours été une passion. Le DEP m’a permis de valider des choses que je savais de façon intuitive, mais aussi de me donner un cadre et de m’ouvrir à une autre façon de voir les choses.
Jean-Baptiste Bortolus, décorateur intérieur
La communauté LGBT+ Dans la ville de Québec, Jean-Baptiste s’est senti chez lui tout de suite : « Il y a un temps d’adaptation. Les premières semaines, je ne comprenais pas toujours ce qu’on me disait, il fallait aussi que je m’habitue à de nouvelles habitudes de vie et de consommation, mais le sentiment d’être à la bonne place ne m’a pas quitté.
Il poursuit : « Être gai au Canada, c’est un vrai confort de vie. On ne se sent pas jugé, on se sent libre et en sécurité. On n’a pas la sensation d’être marginalisé. C’est précieux. »
La suite des choses La persévérance, l’adaptation, l’apprentissage et la volonté, voilà les quatre éléments qui sont gages du succès dans un projet de réorientation professionnelle, selon Jean-Baptiste. Avec son conjoint Jérémy, il s’est (re)construit une vie qu’ils aiment, loin de leurs racines originelles, mais entourés de quelques amis, sur qui on peut compter et avec des tas de projets en tête.
En moins d’une année, je suis passé d’un étudiant qui avait de la difficulté à boucler ses fins de mois à un poste d’associé. J’ai ma maison et plein de projets. Tout est possible si l’on s’en donne la peine, il suffit d’oser ! »