Les étapes de la vie
Shannon n’a pas eu une enfance facile. Née au Québec, elle a passé les premières années à New York avec sa mère, avant que cette dernière ne perde sa garde. Elle n’a jamais connu son père.
À son retour au Québec à l'âge de neuf an, elle été élevée par sa grand-mère à Sainte-Thérèse, où elle a redoublé d’efforts pour rattraper son retard scolaire en français écrit.
À l’adolescence, les sports ont rendu l’école plus attrayante pour cette passionnée de soccer, de basket et de planche à neige. Mais au collège privé où elle a étudié, la formation professionnelle n'était pas abordée ni valorisée. «Je me suis retrouvée au cégep en sciences humaines, un peu perdue. Je n’aimais pas le cégep ni les cours, et j’ai abandonné rapidement, avant de gagner ma vie dans une boutique, puis dans un centre de ski.»
Retour en formation
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Shannon se retrouve alors sans projet précis. «Je me cherchais et comme je gardais des enfants et que j’étais douée avec eux, je me suis dit que je pouvais en faire un métier.» Sans grand enthousiasme, elle suit alors une attestation d'études collégiales (AEC) en Techniques d'éducation à l'enfance au Collège Montmorency, avant d'entrer sur le marché du travail.
Une curiosité pour l'électricité
À 35 ans, après avoir travaillé pendant 10 ans comme remplaçante dans un réseau de garderies subventionnées en milieu familial, Shannon a entamé une reconversion professionnelle avec le DEP en Électricité. «Je cherchais un métier qui est à la fois manuel et technique, et surtout qui a un petit côté intellectuel. L’électricité fait appel à la réflexion, à la résolution de problème. C’est en plein ce que je cherchais», explique-t-elle.
Réparer et installer des circuits et de l’équipement électrique, des systèmes électroniques ou des réseaux de télécommunication, ce sont les défis que doivent relever les électriciennes et électriciens au quotidien. «C’est un métier qui m’a toujours intéressée. Je me rappelle avoir observé un électricien qui venait changer le panneau électrique à la maison avec fascination.»
Le courage de se réaliser
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Pour Shannon, reprendre le chemin de l’école dans la trentaine n’a pas été facile et lui a demandé une réelle motivation, surtout en tant que femme dans un milieu traditionnellement masculin. «Pendant la pandémie, comme bien des gens, j’ai réfléchi à ma situation professionnelle. J’avais le sentiment de n’avoir pas exploité mon plein potentiel, de ne pas être tout à fait fière d’où j’étais rendue. Ça m’a donné la force de relever mes manches.»
Au moment où elle fait sa demande via AdmissionFP, ses collègues de la garderie trouvent son idée farfelue. «Elles ont mis un doute dans mon esprit, mais j’ai gardé le cap, encouragée par mes amis qui travaillaient en construction. J’ai réussi les tests cognitifs, les tests de personnalité. Je me suis même mise à faire des exercices de mathématiques pour me préparer.» Pour financer son projet de formation, qui allait s’échelonner sur 18 mois, elle s’appuie sur un programme d’Emploi Québec et sur le support de son conjoint, monteur de lignes.
Trouver sa place
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L’attente du début de sa formation ne s’est pas faite pas sans émotion. «Le fait d’être une fille et plus âgée que les autres me créait un gros stress, mais j’ai eu droit à un bel accueil. Je m’y suis fait des amis et j’y ai lié de belles relations d’entraide et de solidarité féminine.»
Motivée, ponctuelle et passionnée, Shannon s’est révélée être une élève modèle pendant sa formation?: «J’arrivais avant le début des cours. J’étais intéressée par tout même si je commençais de zéro. Je n’ai jamais manqué un jour de classe, si bien qu’on m’a remis un certificat de persévérance et d’assiduité. En fait, j’avais hâte d’aller à l’école.»
Comme elle souffre de vertige et que le métier d’électricien exige parfois de travailler en hauteur, elle a décidé de s’entraîner à l’escalde. Avec constance, elle a appris à grimper sur une échelle jusqu’à atteindre le 30 pieds et sonner la cloche. «Ils ont rebaptisé l’échelle ''Le défi Shannon Kiss''», nous confie-t-elle.
S'adapter à une nouvelle réalité
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Shannon s’est retrouvée sur les chantiers dès sa graduation à l’automne 2023. Les deux premiers mois, elle a trouvé cela difficile physiquement d’avoir à porter des charges, souvent dans des endroits exigus ou des espaces clos. L’horaire de travail lui a aussi donné du fil à retordre et elle admet qu’il est encore parfois pénible de descendre du lit vers 4h30.
Elle est maintenant à l'emploi d'Hydro-Québec à titre d'électricienne d'appareillage à la Centre Les Cèdres. Son travail consiste à veiller au bon fonctionnement de la centrale, du poste et des barrages environnants. Elle collabore aux entretiens, dépannages et réparations sur les appareils électriques. Signe de l'évolution du milieu: la cheffe de son équipe est également une femme!
« Il ne fait pas de doute que les femmes sont en mesure de faire carrière comme électricienne, au même titre que les hommes: je ne souhaite pas recevoir un traitement royal, seulement bénéficier d’un traitement égal. »
Une vague féminine en construction
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La Commission de la construction du Québec (CCQ) a annoncé récemment qu’un nombre record de plus de 7 470 femmes qui ont travaillé sur les chantiers en 2023, soit près de 3,8 % de la main-d’œuvre totale. C'est 250 de plus par rapport à l’année 2022.
Adopté en 2015, le Programme d'accès à l'égalité des femmes dans l'industrie de la construction (PAEF) est un plan d’action d’industrie qui a pour objectif d'accroître le nombre de femmes qui exercent un métier ou une occupation et ainsi de corriger la situation de sous-représentation des travailleuses.
Pour aider à faire évoluer les choses, Shannon croit aussi qu’on peut faire davantage de promotion sur les réseaux sociaux et dans les écoles secondaires.