Quelle est ta spécialité? J’ai démarré une ferme laitière dans la municipalité de Compton cette année , la ferme Ralston . J’ai 150 bêtes , dont 80 en lactation. Mon quota de production laitière est de 86 kilos, et j’espère pouvoir l’augmenter à échéance.
[NDLR: le qu ota est calculé en kilogrammes journaliers de matière grasse, et non en litres de lait comme on pourrait le croire.]
Peux-tu nous parler des études que tu as faites dans le domaine de l'agriculture? J’ai suivi le DEP en Production animale au Centre de formation professionnelle de Coaticook-CRIFA, le seul établissement à regrouper les DEP des métiers de l’agriculture et de l’horticulture dans la région des Cantons de l’Est. Comme j’avais de l’expérience et que je gérais déjà un troupeau, j’ai pu bénéficier de la reconnaissance des acquis et des compétences (RAC). Cela a allégé ma formation d’environ quatre mois sur neuf, ce qui m’a permis de travailler en parallèle.
Je connaissais bien la ferme laitière, mais j’ai acquis de nombreuses compétences en mécanique agricole, sur le travail aux champs, l’implantation des semences, les récoltes. Le DEP est bien structuré, les enseignants ont une solide expérience professionnelle. Pendant la formation, nous visitons différentes exploitations agricoles et nous explorons beaucoup de façons de vivre de l’agriculture. On nous apprend à être autosuffisants, à développer de la débrouillardise pour sauver des coûts. De plus, j’y ai rencontré des collègues qui sont devenus mes amis. On s’entraide, on fait du réseautage, on se conseille. Mon seul regret, c’est de n’avoir pas suivi mon DEP plus tôt.
Qu’est-ce qui t’a motivé à choisir cette carrière? J’ai toujours baigné dans cet univers. Au fond de moi, il y a toujours eu ce rêve de reprendre la ferme familiale, mais pour mon père c'était impossible pour une fille de faire le métier. J’ai abord étudié au cégep en sciences de la nature avec l’idée de devenir vétérinaire, puis j’ai fait une formation en secrétariat et travaillé quelques années comme adjointe administrative. Un bon matin, je me suis levée et j’ai pris la décision d’enfin suivre ma passion. Je me suis inscrite en Production animale et j’ai mis mes parents devant le fait accompli.
J’adore travailler avec les animaux. Je connais le nom de chacune de mes vaches. Elles font partie de ma famille. Les animaux nous apprennent le respect, le don de soi. Et mon métier est un métier touche-à-tout; il n’y a pas de routine.
Qu'est-ce que ça change d'être une femme dans ce métier? Es-tu confrontée à des préjugés? Je pense que les femmes ont tendance à plus devoir faire leurs preuves, montrer que c’est possible d’être compétentes . Déjà que de travailler dans une ferme est éprouvant physiquement et mentalement, comme femme, on a toujours à se défendre, à se justifier.
Au quotidien, je ressens aussi beaucoup de sexisme ordinaire. Ce n’est pas méchant, mais ça va être un fournisseur qui s’étonne que ce soit moi qui s’occupe de gérer la livraison, ou un représentant de machinerie qui demande à parler à mon père. Je dois expliquer que c’est moi la patronne. On me fait souvent sentir que je suis jeune et que je suis une femme, donc, que je n’ai pas ce qu’il faut .
« Le temps va faire le travail. Plus on verra de femmes aux commandes , moins on sera confrontés aux préjugés. Je suis la plus grande avocate de la cause des femmes en agriculture. Je leur dis qu’elles y ont leur place à 100% et de ne pas hésiter à faire le saut. »
Éliane Brouillard, productrice agricole
Est-ce des femmes t'ont inspirée pour ton parcours? Oui! Je suis impliquée dans la communauté agricole, présente dans plusieurs associations et de voir ces femmes qui ont décidé d ’exploiter elle-même une ferme, c’est ce qui m’a amené e à me dire? que je suis capable moi aussi .
Comment as-tu réussi à acquérir une ferme, à ton jeune âge? Et comment fais-tu pour préserver ta santé physique et mentale? Même si mon père avait des réticences, il m’a supporté. Je suis bien entouré?. J’ai l’aide de mes parents, de mon frère pour la traite du matin, d’un employé. Nous avons organisé les choses de manière que je puisse prendre des jours de congé de temps à autre, et c’était important aussi pour moi que mes employés aient de bonnes conditions.
Financièrement, je loue la ferme, mais je suis propriétaire de mes bêtes et de mes équipements. Sans le soutien de mes parents, je n’aurais vraisemblablement pas pu contracter de prêt agricole.
À quoi ressemble une de tes journées de travail? J’arrive sur la ferme à 8 heures. Je m’occupe des soins aux animaux, de les nourrir, de réparer l’équipement, de faire des corvées de nettoyage. Je peux aussi travailler aux tâches administratives; il y a beaucoup de règles et de normes à respecter. À 18h30, je rentre à la maison — j’habite chez mes parents — et là aussi, j’aide aux soins des animaux.
Les horaires sont changeants, car on ne sait pas toujours de quoi sera faite une journée, il faut avoir de la patience et une bonne capacité d’adaptation.
C'est comment de travailler et d'habiter avec ses parents? C’est un bon défi ! ( rires ) Plus sérieusement, j’ai la chance les voir tous les jours et c’est super! Mais il est parfois difficile de faire la différence entre les moments en famille et les discussions entre partenaires d’affaires.
Quels sont tes projets pour l'avenir? Je veux avoir davantage de bêtes et de quotas. J’aimerais trouver un autre emplacement sur lequel je pourrais aussi développer la culture des champs. Je continue aussi de promener mes plus belles bêtes lors de concours et d’exposition à travers le Canada et les États-Unis, c’est ma passion! Dans ma vie personnelle, je veux avoir une famille et élever mes enfants sur la ferme.