Boucher, un métier d’hommes ? Les femmes bouchères sont peu nombreuses. Mireille Pouliot s’est intéressée au diplôme d’études professionnelles (DEP) en boucherie après avoir suivi une filière collégiale en gestion d’entreprise agricole au cégep de Lévis: « Après le secondaire, j’ai suivi ce programme qui englobe la production animale, la production végétale, la machinerie, l’entrepreneuriat, etc. C’est un diplôme d’études collégiales (DEC) qui touche tous les aspects de l’agriculture et qui apporte aux étudiants une belle polyvalence.
Cela a piqué ma curiosité et, comme j’avais envie d’en apprendre davantage, de comprendre complètement la chaîne alimentaire, j’ai voulu compléter ma formation en allant chercher des compétences en boucherie, mais je me suis prise de passion pour le métier, si bien que je ne suis pas retournée en agriculture. »
Même si le secteur de la boucherie est encore une chasse gardée masculine, Mireille n’a pas hésité lorsqu’elle s’est inscrite au DEP en boucherie : « Le fait que j’allais me retrouver dans un métier traditionnellement masculin, cela ne m’a pas traversé l’esprit, dit-elle avec le recul. Pour moi, il est impensable d’imaginer que les femmes n’ont pas leur place dans tous les secteurs de travail. »
Développer des techniques de travail Grande et mince, Mireille ne répond pas à la carrure stéréotypée qu’on associe naturellement aux bouchers. Indiscutablement, le métier de boucher s’avère exigeant physiquement: un quartier de bœuf peut peser 200 livres, commente-t-elle, avant d’ajouter : « Cela requiert bien sûr une bonne résistance, mais ce qui fait un bon boucher ou une bonne bouchère, c’est sa dextérité. Avec le temps et l’expérience, on gagne en vitesse. Je savais que je serais capable aussi d’y arriver. » Et le froid? « Moi qui suis frileuse, il m’arrive parfois d’avoir chaud. C’est un métier physique et nous sommes amenés à bouger beaucoup! ».
En fait, être une femme peut se révéler un atout: « Sans vouloir généraliser, lorsqu’il est question de ficeler la viande, de faire une belle présentation, beaucoup de femmes se distinguent par leur rigueur, leur minutie, leur sens esthétique. »
Prendre sa place Après sa formation de 900 heures qui s’est échelonnée sur un peu moins d’une année, Mirelle s’est retrouvée à l’emploi d’une boucherie. Elle a alors constaté que le patron faisait tout en son possible pour lui éviter les taches plus difficiles ou plus sensibles, comme l’abattage. « Il était peut-être bien intentionné, mais moi, je ne voulais pas avoir un traitement différent et il a fallu que je me batte pour exercer mon métier comme mes collègues masculins, confie-t-elle.
L’abattage, cela ne me dérange pas, c’est une tâche qui doit être faite par des gens, et nous ne serons pas tous végétariens la semaine prochaine. Et puis il y a des méthodes de travail et des équipements qui facilitent le transport des charges lourdes. » Cette situation l’a amenée à une prise de conscience. « Je me suis dit : il faut que ça change, qu’on donne la chance aux femmes dans ce métier! »
L’art de la boucherie Mireille nous explique que la boucherie, c’est bien plus que de couper des steaks. « Il y a l’abattage, le débitage, la coupe, la charcuterie, les plats cuisinés, tout un volet traditionnel, le service à la clientèle… On peut travailler dans différents secteurs et sortir des sentiers battus. » Elle ajoute avoir toujours aimé le travail manuel.
Qu’est-ce qui l’anime? Minimiser les pertes de viande, aider la clientèle à choisir les bonnes coupes pour les bonnes cuissons, découvrir de nouvelles viandes et développer son côté gourmet. À cela s’ajoute la mise en valeur des producteurs de sa région : « Je me fais une fierté d’encourager les producteurs locaux dès que c’est possible. »
Mon métier, la boucherie, est un métier de moins en moins populaire et nous y retrouvons très peu de femmes. Pourtant, c’est un métier plus qu’essentiel avec les habitudes de consommation des Québécois. J’aime l’idée de raconter mon histoire pour encourager et donner de l’espoir à d’autres femmes intéressées par la boucherie ou par un autre métier traditionnellement masculin. C’est ensemble que nous ferons la différence !
Mireille Pouliot, bouchère et enseignante en boucherie
Apprendre puis enseigner à ton tour Personne dans l’entourage de Mireille n’évolue en agriculture ou en boucherie : « Ma mère est éducatrice, mon père, électricien. » Le déclic pour devenir bouchère, Mireille l’a eu au contact de son enseignant au CFP de l’Envolée à Montmagny. « C’est une école à échelle humaine où les enseignants sont passionnés et nous amènent à nous dépasser. Je n’ai jamais senti de jugement, mais un accueil chaleureux et encourageant et une passion pour les métiers du secteur de l’alimentation. »
Sachant que son formateur était sur le point de prendre sa retraite, l’étudiante s’empresse de manifester à la direction son intérêt pour l’enseignement à la fin de sa formation. « Après l’obtention de mon diplôme, j’ai travaillé en entreprise et je suis allée diversifier mes compétences, raconte-t-elle. Cela m’a permis d’avoir le bagage nécessaire pour transmettre le métier à mes élèves. Ensuite, j’ai accompagné mon enseignant en classe une journée par semaine pendant une année, puis j’ai pris sa relève. Actuellement, je termine mon baccalauréat en enseignement professionnel à temps partiel. »
Pour Mireille, la formation en boucherie est essentielle, mais, malheureusement, il manque de relève : « Je n’ai que cinq personnes inscrites cet automne. Si l’on veut que ce métier perdure, si l’on veut des bouchers et des bouchères compétents, il faut ouvrir de plus en plus le secteur aux femmes et surtout le faire connaître et valoriser tous les aspects du métier. »
La passion de la boucherie Les bouchères et les bouchers débitent des pièces de viande, effectuent des coupes de détail et pèsent et emballent les produits. Ils tranchent, hachent, parent ou façonnent les viandes selon les demandes de la clientèle. Être boucher, c’est aussi décider comment transformer certaines pièces. « En Europe, ils sont extrêmement créatifs en boucherie, mentionne Mireille. J’aime optimiser la carcasse pour en tirer le plus de pièces de viande possible. »
Dans ses loisirs, la jeune femme aujourd’hui âgée de 24 ans se passionne pour l’équitation. Elle a son propre cheval et une chèvre laitière. Elle pratique aussi la chasse et la trappe. Elle s’adonne à l’artisanat avec les fourrures, les crânes : « Par respect pour l’animal, je veux réduire le gaspillage et maximiser tout ce que je peux en tirer. » Elle caresse le rêve d’avoir un jour son propre petit élevage et de faire elle-même sa transformation alimentaire.