Les années de cuisine Edgard raconte avoir été un jeune élève timide qui aimait les arts martiaux et le dessin. Ses parents travaillaient tous deux dans l’industrie textile : son père pour les défunts magasins Le Château et sa mère comme couturière.
Quand ses parents ont décidé de déménager de Montréal à Laval, il a trouvé difficile de se faire un nouveau cercle d’amis. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, il a pris une pause de l’école pour travailler dans un café. Au contact du propriétaire, ancien chef de restaurant, Edgard a eu la piqûre pour la cuisine. « J’ai aussi beaucoup appris en observant ma mère préparer les mets péruviens avec toutes sortes d’épices qui m’apparaissaient mystérieuses. »
C’est cette curiosité qui l’a poussé à s’inscrire à l’Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec (ITHQ) en cuisine. Il s’y découvre en plein sur son «X » : « C’était la première fois que je me sentais vraiment à ma place. Je suis un manuel. J’adore créer des choses. La cuisine, c’est un chaos contrôlé et c’est une vraie passion chez moi. »
Après ses études, pendant une dizaine d’années, Edgard a enchaîné les emplois dans de prestigieux restaurants de Montréal comme le Boris Bistro, le Ferreira Café, le Tapeo et le Tiradito, où il officiait comme chef exécutif. « Ce sont des années où j’ai travaillé intensément. Le métier m’a beaucoup appris, notamment à être ordonné, structuré. »
Solution de confinement Au moment où tout s’est arrêté lors de la pandémie, Edgard s’est retrouvé sans motivation. « J’ai frappé un mur. Préparer des repas à réchauffer dans des boîtes, ce n’était vraiment pas ce qui m’allumait comme chef. » Après quelques mois de confinement à la maison, il commence à ramasser des meubles laissés sur le coin des rues et à les retaper. « Cet esprit débrouillard, c’est l’héritage de mon père, » commente-t-il. Tranquillement, il développe une clientèle et un intérêt pour le travail du bois.
Voyant la pandémie se prolonger et las de préparer des plats pour emporter dans les restaurants, Edgard saisit l’opportunité offerte par le Programme d'aide à la relance par l'augmentation de la formation (PARAF) d’Emploi Québec et décide de suivre le DEP en ébénisterie tout en profitant d’une allocation de subsistance. Il découvre que l’École des métiers du meuble de Montréal (EMMM) offre une formation de soir, ce qui lui permet de continuer à travailler sur ses projets de recyclage de meubles. « La formation m’a permis d’aller chercher des techniques et des compétences. » Même si un retour à l’école apporte son lot de défis, Edgard persévère.
Les Olympiades des métiers À l’EMMM, Edgard fait la connaissance d’enseignants sympathiques et compétents. Exceptionnellement en cette année postpandémique, les Olympiades québécoises des métiers et des technologies sont ouvertes à tous les concurrents, peu importe leur âge, ce qui lui permet de vivre l’aventure de la compétition où il obtient la deuxième place.
« J’ai adoré chaque seconde de cette expérience. Ça a passé comme un éclair. Les Olympiades, c’est vraiment big! Comme je suis un gars assez compétitif, tout le processus m’a passionné. »
Récemment, Edgard est retourné à l’EMMM pour la montée des bannières et son nom flotte désormais dans l’école. « Après la joie des compétitions, il reste la fierté de l’accomplissement, dit-il. C’est une expérience que je recommande à tous. »
« Étudier au DEP, ce n’est pas un choix déshonorant ni un échec dans un parcours. Ce serait bien que dans nos écoles, on sensibilise les jeunes à la possibilité de choisir la formation professionnelle. Moi, heureusement, mes parents ont toujours été derrière moi. »
Edgard Tujillo, entrepreneur et ébéniste
Ses projets actuels Depuis quelques mois, Edgard a ouvert son petit atelier à Montréal. L’entreprise d’ébénisterie qu’il a démarrée, Saphi, se spécialise dans le mobilier sur mesure. Une bonne partie de sa clientèle est composée de clients dans le secteur de la restauration. « Mon expertise sur le terrain me permet de concevoir des meubles parfaitement fonctionnels et assez robustes pour perdurer dans la réalité d’une cuisine ou d’une salle à manger, » indique-t-il.
Il gère aussi Les Bouchées du Hood, entreprise spécialisée dans les saucisses artisanales et la Cuisine centrale qui propose des services de préparation alimentaire pour des restaurateurs, en plus d’agir à titre d’investisseur et de superviseur pour le groupe de restaurants Barranco. « Les choses vont vite ». Lorsqu’il profite de ses temps libres, il s’adonne à l’escalade ou va au cinéma. Il a aussi fait beaucoup de séjours au Pérou où il a de la famille.
Le jeune entrepreneur veut vivre de ses deux passions, la cuisine et l’ébénisterie. Il rêve d’avoir sa propre marque de mobilier sur mesure fabriquée au Québec, d’entreprendre d’autres projets et peut-être, d’avoir la chance de prendre une retraite hâtive dans une dizaine d’années. « J’aime être mon propre patron. Je suis bien entouré et les projets ne manquent pas. »