J’ai toujours aimé les Lego, les mécanos, les systèmes électroniques, la construction et toutes les activités qui intéressaient mes frères. Devant mon école primaire, il y avait un énorme chantier de construction où nous allions souvent traîner et jouer. Je me rappelle que j’étudiais les plans pour comprendre l’évolution du chantier.
Marie-Thérèse Viau, compagnon en ferblanterie
Le défi du retour à l’école C’est dans la trentaine que, Marie-Thérèse Viau, accompagnée par une conseillère d’orientation, a pris la direction d’une formation de 18 mois en ferblanterie-tôlerie. À 17 ans, enceinte, Marie-Thérèse abandonne l’école où elle ne s’est jamais épanouie. Elle donne ensuite naissance à deux autres enfants dont elle s’occupe à temps plein. Après une séparation, à la fin de la trentaine, alors qu’elle se retrouve mère monoparentale et que ses enfants ont 3, 7 et 11 ans, elle songe à un retour aux études : « Lorsque j’ai entamé ma démarche d’orientation, dans le bureau de la conseillère, il y avait un carrousel présentant les métiers de la construction. Je souhaitais travailler manuellement. La tôle m’attirait énormément. J’ai pris le dépliant qui concernait le métier de ferblantier et, avec ma personnalité, mes aptitudes, je correspondais en tout point. C’était moi tout craché! ».
Marie-Thérèse trouve le courage de retourner à l’école pour compléter une formation de 18 mois en ferblanterie-tôlerie à l’École des métiers et occupations de l’industrie de la construction de Québec (EMOICQ) et puise la motivation d’y rester. « C’était un monde inconnu pour moi, mais j’ai adoré ma formation, mes enseignants, raconte-t-elle. J’ai su très vite que j’étais à la bonne place. J’ai été sélectionnée pour les Olympiades par mon école, puis j’ai participé aux régionales et aux compétitions québécoises en 2006. »
Entre le service de garde, le transport des enfants à l’école, la garde partagée, Marie-Thérèse jongle avec la conciliation études-famille et ses enfants, bien qu’ils soient jeunes, la soutiennent dans son projet de vie. Et ses collègues en formation professionnelle ? « Il y a eu de la jalousie de la part de mes compagnons de classe. Ils me l’ont avoué à la fin de notre formation. Il faut dire que les enseignants m’accordaient beaucoup d’attention. Ils m’ont épaulée dans la démarche, je les en remercie, alors je passais un peu pour le chouchou. »
C’était un monde inconnu pour moi, mais j’ai adoré ma formation, mes enseignants. J’ai su très vite que j’étais à la bonne place. J’ai été sélectionnée pour les Olympiades par mon école, puis j’ai participé aux régionales et aux compétitions québécoises en 2006.
Marie-Thérèse Viau, compagnon en ferblanterie
Une fille dans une job de « gars », pourquoi pas? Mère monoparentale de 3 enfants, elle jongle avec la conciliation études-famille et ses enfants qui la soutiennent dans son choix. Au Québec, depuis la fin du XXe siècle, le métier de ferblantier consiste surtout à préparer et installer des conduits de ventilation en tôle galvanisée.
La majeure partie du travail s’effectue dans le secteur institutionnel et commercial avec de l’acier galvanisé, de l’acier inoxydable et de l’aluminium; un faible pourcentage des ferblantiers travaillent comme couvreurs en toitures traditionnelles et revêtements artisanaux de tôle ou en atelier. Le métier de ferblantier est très diversifié.
« Tous les projets comportent des défis techniques, explique Marie-Thérèse. Cela exige de la dextérité, de l’agilité et une bonne perception spatiale. Le métier comporte aussi sa part de difficulté, notamment l’hiver, lorsqu’il faut manier de la tôle froide à l’extérieur, ou encore installer une hotte de restaurant. »
Une capacité d’adaptation est également de rigueur, puisque les lieux et les équipes changent constamment. « Dans mon travail, j’aime régler les problèmes et je suis un bon élément dans une équipe. » Sa plus grande fierté est de contribuer à bâtir quelque chose : « Une école, un aréna, un hôpital. Une bonne ferblantière réalise un travail soigné. Je suis une fille méthodique qui réfléchit avant de passer à l’action. Je suis à mon affaire. »
La compétence n’a pas de sexe La plus grande fierté de Marie-Thérèse Viau est de contribuer à bâtir quelque chose : « Une école, un aréna, un hôpital. Une bonne ferblantière réalise un travail soigné. Je suis une fille méthodique qui réfléchit avant de passer à l’action. Je suis à mon affaire. » Au Québec, pendant des décennies, l’industrie de la construction a attiré la main-d’œuvre masculine, peut-on lire dans le guide Les femmes dans la construction publié par le Centre d’intégration au marché de l’emploi (CIME), un organisme à but non lucratif dont la mission est d’améliorer la situation économique des femmes par leur insertion socioprofessionnelle dans toutes les sphères du marché du travail.
L’image du travailleur de la construction, un mâle, blanc et costaud, s’est imposée d’elle-même. Dans ce contexte, passer à l’ère d’une plus grande mixité hommes-femmes ne peut se faire en criant ciseau. Un contremaître, qui n’a jamais eu à gérer la présence d’une femme sur son chantier, devra s’adapter et sans doute faire face à ses premières demandes d’absence pour responsabilités familiales, quoique de telles demandes commencent à poindre de la part aussi de jeunes travailleurs2 .
D’élève à compagnon Depuis l’implantation du Programme d’accès à l’égalité des femmes de la Commission de la construction du Québec (CCQ), le nombre de femmes ferblantières est passé de 43 en 2015 à 75 en 2019. Au service de garde que fréquentent ses deux plus jeunes, le conjoint de l’éducatrice est ferblantier. Marie-Thérèse déniche son stage et son premier emploi avant de terminer sa formation. « Le premier jour, on me demande d’aller chercher le sheilder – la perceuse à percussion – et je ne sais pas du tout ce que c’est, mais, comme le compagnon avec lequel je travaille semble vouloir percer un trou, je tente ma chance et c’est la bonne! »
Sur les chantiers, les choses se passent bien pour Marie-Thérèse. Elle se sent bien accueillie par toutes les PME qui ont fait appel à ses services. Elle jouit d’un bon soutien de son syndicat. Elle vit de courtes périodes de chômage entre les projets et obtient son statut de compagnon après trois ans. « Aimer travailler entourée de gars et avoir du caractère, ça aide! »
Les vieux travailleurs qui acceptaient mal la présence des filles ont pris leur retraite. La nouvelle génération est contente de nous voir arriver sur les chantiers. On a du fun, on rigole, pas de sexisme, pas de harcèlement. Je reçois des félicitations des gars. La mixité, je crois que cela rend tout le monde meilleur, il y a une forme d’émulation.
Marie-Thérèse Viau, compagnon en ferblanterie
Des acquis fragiles Depuis sa sortie de l’EMOICQ, Marie-Thérèse enchaîne les projets, mais, en 2016, en contexte de récession, elle traverse une période difficile. Elle raconte : « Jusqu’à cette année-là, c’est le syndicat qui répartissait les tâches et nous envoyait sur les chantiers, mais, à partir de ce moment, les entreprises ont eu à choisir directement les compagnons dont ils avaient besoin sur une page Internet.
Je me suis rendu compte qu’il y avait encore des préjugés envers les femmes. Personne ne faisait appel à moi, malgré mon expérience. À la fin d’une période de chômage, pour échapper à l’aide sociale, je me suis retrouvée dans une usine de boulangerie sur la chaîne de montage. J’en pleurais. Enfin, peu à peu la situation économique s’est améliorée, on a commencé à me rappeler et, depuis, je n’ai jamais manqué de travail. »
Depuis l’implantation du Programme d’accès à l’égalité des femmes de la Commission de la construction du Québec (CCQ), le nombre de femmes ferblantières est passé de 43 en 2015 à 75 en 2019. Le métier de ferblantière se retrouve au 14e rang des 6 occupations et 25 métiers reconnus dans l’industrie de la construction où il y a le plus de femmes pour l’ensemble.