
Maman de deux grands enfants, elle a déjà porté bien des casquettes – conductrice d’autobus, serveuse, préposée aux bénéficiaires – mais l’appel d’un métier plus stimulant où les défis ne manquent pas ne l’a jamais quittée. Aujourd’hui, elle ne regrette rien et savoure pleinement cette reconversion qui lui donne enfin l’élan qu’elle recherchait. Retour sur son parcours inspirant.
«J’ai été conductrice d’autobus pendant quatorze ans et j'ai adoré ce métier, surtout le contact avec les enfants. Mais un jour, j'ai ressenti cette fameuse lassitude et l'envie de changer d’air, de relever de nouveaux défis.»
Portée par ce besoin de renouveau, elle répond à l’appel du premier ministre François Legault pendant la pandémie et se tourne vers un poste de préposée aux bénéficiaires. Si elle y trouve du sens grâce au contact humain, l'ambiance était loin d’être idéale: des conflits avec ses collègues, un environnement de travail toxique. Elle était loin de l'environnement qu’elle espérait.
Mais une idée persistante refuse de la quitter. Depuis deux ans, elle consulte régulièrement la page d’admission du DEP en Calorifugeage à l’École des métiers de la construction de Montréal. «À chaque fois, les groupes étaient pleins. Mais je revenais toujours à cette idée, elle me trottait dans la tête.»
Une rencontre qui change tout
Tout a commencé grâce à une rencontre inattendue, celle d’une femme exerçant ce métier, croisée par son frère. Un véritable coup de foudre professionnel pour Nancy. «Le calorifugeage, c’est tout un univers. Le travail consiste à mettre en place l'isolation thermique des installations industrielles, des équipements et des bâtiments. On intervient pour installer des matériaux isolants sur les tuyauteries, les chaudières, les réservoirs, les conduits de ventilation, ou sur tout équipement susceptible de perdre ou de gagner de la chaleur, afin de limiter les pertes d'énergie et d'améliorer l'efficacité énergétique.
Pour exercer ce métier, il faut avoir une bonne dose de mécanique dans la tête et être capable de visualiser un projet à partir d’un plan. On installe des isolants souples et rigides sur des tuyaux, des conduits d'air, des équipements industriels, etc. Ce n’est jamais monotone.»
Un autre tournant majeur dans sa décision: la maladie de son frère. «Il était atteint d’un cancer de stade 4. Il me disait sans cesse: ''Nancy, on n'a qu'une seule vie, fais ce que tu aimes!'' Un jour, en ouvrant la page d’admission pour le DEP, je vois qu’une classe commence et qu’il reste une place. Je n’ai pas réfléchi plus longtemps. C’était le moment, j’y suis allée!»
Des efforts qui portent leurs fruits
«Le DEP est passé à une vitesse folle! C’était une période formidable. J’ai eu du fun, j’ai adoré chaque moment. Toute l’équipe m’a mise sur la bonne voie. Les professeurs étaient incroyablement motivants et, contrairement au marché du travail, à l'école, on prend le temps d’échanger. C’est vraiment précieux.»
Ce métier qui exige beaucoup de minutie, de débrouillardise et de précision, est une véritable aventure pour Nancy qui peut mettre à profit sa capacité à résoudre les problème. Une part de sa motivation provient de tous les défis quotidiens. «Parfois, je me demande comment je vais réussir à atteindre ce foutu tuyau coincé dans un recoin étroit. Puis, comme par magie, je trouve une solution. C’est un peu comme un serpent: je me faufile partout. Chaque jour est une nouvelle surprise.»
Nancy confie aussi qu’elle a dû surmonter plusieurs obstacles, dont un qui a bien failli stopper son élan. «Je suis une femme qui a le vertige. Au début, travailler en hauteur m’a demandé beaucoup de courage. Ça m’a fait douter, c’est vrai. Mais je ne me suis pas laissée intimider par ma peur. Aujourd’hui, je gère mieux cette angoisse.» Un combat qu’elle mène chaque jour, fière d’avoir persévéré et d’avoir surmonté ses limites.
Faire sa place dans un monde d’hommes.

Quand Nancy a décidé, à la fin de la quarantaine, de se réorienter vers le secteur de la construction, elle a dû affronter les préjugés. «J’ai eu pas mal de gens autour de moi qui tentaient de me décourager. Il paraît qu’une femme, à mon âge, dans ce domaine, c’est un peu l’exception. Mais je n’ai pas écouté. J’ai suivi mon instinct et je me sens exactement là où je dois être. Sur mon X.» Et la suite a donné raison à celle qui est aujourd'hui épanouie dans son métier.
Nancy déplore tout de même que les métiers spécialisés, comme le sien, ne soient pas davantage valorisés. «Oui, tout le monde connaît les principaux métiers de la construction, mais les métiers spécialisés, ceux qu’on connaît moins, devraient avoir leur place dans l’espace public.»
Une histoire de soutien et de camaraderie
À la fin de son programme, son enseignant principal l’a aidée à trouver un emploi. Elle travaille aujourd'hui dans une entreprise familiale où elle se sent valorisée. «Sur le chantier, il n’y a pas de place pour les préjugés. Quand on travaille bien, tout le monde vous respecte. Et ça, c’est le secret : être résiliente, ouverte d’esprit, avec une attitude positive. Là, il n’y a plus de barrières.»
« Sur un chantier, il n’y a pas de sexe ni de genre, mais des gens qui travaillent en collaboration. Pour moi, c’est ça le secret pour faire sa place dans un domaine traditionnellement masculin: être vaillante, ouverture d’esprit et avoir une attitude positive. »

Si l’égalité des sexes reste encore un sujet de débat dans certains milieux, Nancy constate une véritable évolution. «Bien sûr, il y a toujours des défis à relever, mais j’ai trouvé sur le terrain un esprit de camaraderie. Les hommes sur les chantiers m’ont toujours bien accueillie. Je me sens intégrée, et ça, c’est important. Sur un chantier, il n’y a pas de sexe ni de genre, mais des gens qui travaillent en collaboration. Pour moi, c’est ça le secret pour faire sa place dans un domaine traditionnellement masculin: être vaillante, ouverture d’esprit et avoir une attitude positive.»
Nancy Gagné nous montre qu'il n'est jamais trop tard pour poursuivre ses rêves, même s'ils semblent un peu hors du commun. Après tout, comme elle le dit si bien: «On n’a qu’une vie à vivre, autant la vivre pleinement!»
Le métier en bref

Les calorifugeuses et les calorifugeurs installent de l’isolant souple et rigide sur de la tuyauterie, des conduits d’air, des équipements industriels et des réservoirs. Ils fabriquent des protections en métal et en PVC et installent des systèmes coupe-feu à l’intérieur des murs et des planchers. Un emploi comme calorifugeur exige des habiletés manuelles et l’endurance physique pour travailler dans des positions inconfortables.