Monsieur Tuffreau, quelle a été votre formation professionnelle? Je suis né à Bourges, dans le département français du Cher. J’ai fait la formation en menuiserie —ce qui est l’équivalent de l’ébénisterie au Québec— avec Les Compagnons du Devoir et du Tour de France. Cette association dont l'origine remonte au Moyen Âge, à l'époque des grands chantiers de l'Europe médiévale, propose aux jeunes ouvriers et artisans un apprentissage de longue durée dont l'intérêt repose sur le voyage, la vie communautaire et l'alternance entre la formation et la pratique professionnelle en entreprise. Après deux ans de formation, je me suis promené à travers l’Europe dans une dizaine d’entreprises sur un total de huit ans; j’ai travaillé, entre autres, à l’entretien de monuments historiques, à la construction de paquebots, d’escaliers, de mobilier commercial, etc. Cette formation a été surtout axée sur les techniques traditionnelles dans une formule qui ressemble à l’alternance travail/études québécoise.
Pourquoi avez-vous choisi l’ébénisterie? Un peu par hasard. Comme je n’étais pas très satisfait dans la vie scolaire, j’avais en tête de faire un programme professionnel. J’adorais le bois, mais je ne savais pas trop où tout cela allait me mener.
Comment vous êtes-vous retrouvé au Québec? Lors de mon parcours de compagnon, mon dernier stage a eu lieu au Québec. La mère de ma conjointe étant d’origine québécoise, ma conjointe avait le désir d’étudier ici. Moi, cela me faisait plaisir de vivre ici et j’ai été favorablement impressionné par le travail en ébénisterie au Québec. Finalement, nous sommes restés.
Comme entraîneur, avec les élèves, nos rencontres sont l’occasion de beaux échanges, de discussions passionnantes, c’est un partage.
Francky Tuffreau, enseignant à l’École des métiers du meuble de Montréal.
Quel a été votre parcours professionnel au Québec? J’ai travaillé sept ans comme chef d’équipe chez Treebone Design, une entreprise qui fait de la menuiserie architecturale puis quatre ans chez Kastella, une entreprise de mobilier québécois contemporain.
Quel a été votre cheminement vers le métier d’enseignant? J’avais fait un premier essai en 2005 qui n’avait pas été concluant. Avec le recul, je crois que je n’étais pas encore bien intégré à la culture québécoise; l’éducation et la pédagogie sont différentes ici. En 2011, j’ai eu l’opportunité de vivre une deuxième expérience et il y a eu comme un déclic. J’ai pris une tâche de six mois, tout en travaillant le reste de l’année, jusqu’à avoir un poste à temps plein en 2014 au Centre de formation professionnelle des Patriotes de Sainte-Julie. Depuis un an et demi, j’enseigne à l’École des métiers du meuble de Montréal. J’aime transmettre mon métier, c’est d’ailleurs une des valeurs du compagnonnage.
Le mouvement des Compagnons est-il bien implanté au Québec? Pour l’instant, il n’y a pas encore beaucoup d’engouement, mais si un ou une jeune veut vivre l’expérience, c’est possible. L’association l’enverra réaliser ses stages en France.
Pouvez-vous nous présenter le programme de formation en Ébénisterie ? L’ébénisterie offre beaucoup plus de possibilités qu’autrefois. Il y a la fabrication manuelle, à l’aide d’outils, mais aussi les machines-outils, les machines à commandes numériques CNC. Dans le DEP d’une durée de 1650 heures réparties sur 14 mois, les élèves apprennent 21 compétences dont le relevé de mesure, les plans, le design à l’aide de logiciel 3D, comment fabriquer des meubles en bois massif, fabriquer des armoires de cuisine ou du mobilier commercial. Bref, toutes les facettes les plus courantes du métier sont abordées. Pendant les deux dernières compétences, chaque élève conçoit un prototype et le fabrique en atelier. C’est un peu le projet synthèse du DEP.
Quelles sont les tendances en ébénisterie? La mode est aux meubles épurés, aux lignes droites et à très peu de mouluration. Cela dit, il y a toujours une clientèle qui aime l’esthétique plus traditionnelle en bois.
Quelles sont les perspectives de placement pour les diplômés en ébénisterie? Elles sont excellentes, nous avons actuellement un taux de 100% de placement pour nos élèves. Comme il y a de nombreux départs à la retraite dans notre secteur, on constate un grand besoin de main-d’œuvre.
Quand avez-vous pris connaissance des Olympiades des métiers? Très tôt, en France. J’ai participé à titre de concurrent en 1998, mais j’étais trop vieux pour poursuivre l’aventure. Dans mon premier centre de formation, à Sainte-Julie, nous avons eu un médaillé d’argent aux compétitions canadiennes. Cette année, c’est ma première expérience à titre d’entraîneur.
Comment avez-vous vécu les premières sélections en 2022 en Ébénisterie? Dix jeunes ont pris part aux compétitions; cinq ont été sélectionné et de ce nombre, nous en choisirons deux le 8 mars prochain, un qui compétitionnera aux Olympiades de Québec, l’autre, à titre de remplaçant. Nous avons eu plusieurs rencontres axées sur l’enseignement technique pour améliorer leurs performances.
Pourquoi s’investir dans les Olympiades? Cela apporte une autre façon de voir le métier. Dans un concours, tout est dans l’art de gérer les risques pour gagner du temps afin d’optimiser son résultat.
Comme entraîneur, avec les élèves, nos rencontres sont l’occasion de beaux échanges, de discussions passionnantes, c’est un partage.
Selon vous, quelles qualités personnelles doit posséder un concurrent? Il doit être en mesure de conserver son sang-froid en situation de stress, être très organisé et avoir une exécution très précise, car contrairement au monde du travail, en compétition, il n’y a (généralement) pas le temps ou la possibilité de se reprendre.
Quels sont vos objectifs pour les Olympiades québécoises? Nous y allons pour offrir la meilleure performance possible.