Amy Ovans, vingt-quatre ans, travaille comme soudeuse chez Rawtek Performance Fabrication, une entreprise de systèmes d'échappement de haute performance, située à Chute-à-Blondeau, à la frontière du Québec et de l’Ontario.
Depuis 2020, elle enseigne également le soudage, le soir, au NOVA Career centre, à Châteauguay, l’école de formation professionnelle où elle a appris son métier. Pour elle, réussir dans un métier traditionnellement masculin est affaire de ténacité, de vouloir… et de ne pas avoir peur de se salir les mains !
Amy voulait à l'origine être opératrice de machinerie lourde. À la fin du secondaire, elle s’est orientée vers la formation en excavation, avant de s’apercevoir qu’elle n’était pas admissible tout de suite, car elle n’avait pas encore dix-huit ans. Pour passer le temps avant d’avoir l’âge requis, elle s’inscrit au DEP en soudage-montage.
Nouvelle génération de femmes Pour compléter son DEP en soudage-montage au Centre NOVA, Amy Ovans n’a pas hésité à faire deux heures de route par jour. Le début d’un parcours exceptionnel. Être une femme dans un domaine où la présence des hommes est dominante n'a jamais été un problème pour Amy : « J’ai grandi entourée d’amis gars.
Un métier traditionnellement masculin? Ça ne m’a pas traversé l’esprit. » En fait, être la seule femme l’a encouragée à travailler plus dur. « Quand j'ai commencé mon programme de soudage et d'ajustement, il y avait d’autres filles dans l’école, mais j’étais la seule fille de mon groupe de vingt-quatre élèves.
Étant de petite taille, mesurant seulement un mètre cinquante et pesant quarante-six kilos, j'ai dû travailler dur pour gagner le respect de certains collègues masculins. » A-t-elle été victime d’intimidation? « Il y a toujours quelques garçons plus méchants ou qui intimident, admet-elle, mais en même temps il y a toujours de bons gars qui sont là pour moi, et des figures paternelles qui me protègent. Dans ma classe, j’étais proche de mes professeurs et mon meilleur ami avait… cinquante-quatre ans! »
Surmonter les difficultés d’apprentissage Le travail paie. Amy a remporté le « Prix pour une étudiante en formation professionnelle de l'Association des centres de services scolaire anglophones du Québec » lors de la dix-neuvième cérémonie annuelle du Chapeau, les filles ! (2015). Amy a grandi à la campagne. Elle est née à Huntingdon, près de Valleyfield en Montérégie, un village de 2 400 habitants. Enfant, ses intérêts se sont naturellement développés pour les sports de plein air : motocross, quatre-roues, paintball. Sa mère, francophone, est mère au foyer, son père, anglophone, est mécanicien de machine.
L’école primaire et les années du secondaire n’ont pas été de tout repos pour la jeune fille: « Mon parcours académique a été un véritable défi de concentration, notamment en mathématique, car j’ai un déficit de l'attention. Je n’avais pas beaucoup d’amis, j’étais timide. C’était difficile. » Difficile, mais pas impossible : « Avec du travail acharné, de l’aide de rattrapage et de la détermination, j'ai pu obtenir de bonnes notes. J’ai travaillé fort pour réussir. »
Les bouchées doubles Après son DEP, elle rejoint l’équipe de Rawtek Performance Fabrication dans le secteur aérospatial. Du cœur à l’ouvrage, Amy Ovans en a à revendre. Pour compléter son DEP en soudage au Centre NOVA, elle s'est rendue à Châteauguay cinq jours par semaine, ce qui représentait une heure de route matin et soir à bord de son camion. Mais cela n’a jamais dérangé la jeune femme : « Au Centre NOVA, j’étais comme un poisson dans l’eau, raconte-t-elle. Mon école est devenue ma deuxième maison. Je m’y sentais bien, et j’ai eu de bons professeurs, très professionnels, qui ont contribué à mon sentiment d’appartenance. »
Amy réussit si bien que ses enseignants lui permettent de commencer l’ASP en soudage haute pression avant d’avoir terminé son DEP, spécialisation qu’elle entreprend en cours du soir.
Pendant ces trois mois, Amy double le temps consacré à ses études, passant douze heures par jour à l’école, cinq jours par semaine. « J’ai travaillé fort, mais j’ai devancé de trois mois la fin de mes deux programmes. Le soudage m’a appris à me faire confiance! » Heureusement, Amy a toujours eu le soutien de ses parents, qu'elle cite encore comme une énorme source d'encouragement pour l'aider à terminer ses études. À la suite de son travail acharné, elle a reçu l'honneur d’être choisie comme valedictorian, la major de sa classe de soudage de tuyaux haute pression.
Chapeau, Amy ! Depuis 2020, elle enseigne le soudage au Centre NOVA et conseille les jeunes qui doutent sur leur choix de carrière. Amy Ovans a remporté le « Prix pour une étudiante en formation professionnelle de l'Association des centres de services scolaire anglophones du Québec » lors de la dix-neuvième cérémonie annuelle du Chapeau, les filles! en 2015.
Elle a utilisé la bourse de 2 000$ pour suivre la formation d’inspecteur en soudage niveau 1. Rappelons que le concours Chapeau, les filles! a pour but de favoriser la diversification des choix de carrière des jeunes filles et des femmes et d'encourager celles qui sortent des sentiers battus à persévérer jusqu'à l'obtention de leur diplôme. Le concours s'adresse aux étudiantes en formation professionnelle au secondaire et en formation technique au collégial.
« Mon école est devenue ma deuxième maison. Je m’y sentais bien, et j’ai eu de bons professeurs, très professionnels, qui ont contribué à mon sentiment d’appartenance. »
Métier : soudeuse-monteuse Son message ? « C’est moins intimidant que ce que cela peut sembler. C’est un beau métier qui a beaucoup évolué, exigeant, mais gratifiant, et dans lequel il y a de l’avenir. » Après son DEP, Amy a fait son stage dans l’entreprise où travaille son père. « J’ai appris à travailler seule et à gagner en vitesse. » Elle a ensuite travaillé quatre ans dans le secteur aérospatial à Montréal, à souder du titane et des matériaux spéciaux avant de joindre l’équipe de Rawtek Performance Fabrication.
Seule femme soudeuse dans ces entreprises, son parcours n’a évidemment pas été de tout repos, comme c’est souvent le cas dans les métiers non traditionnels pour les femmes, mais ses qualités personnelles et professionnelles ont favorisé son intégration. Actuellement, Amy fabrique et soude des pièces de système d'échappement de haute performance pour des voitures diesel: « C’est un métier qui peut sembler routinier, mais qui ne l’est pas, car les projets varient énormément. Il y a aussi la satisfaction de voir le résultat du travail accompli. »
Enseigner la passion du métier Depuis 2020, Amy enseigne à l’école où elle a étudié. Les garçons sont parfois surpris de voir arriver une jeune fille de vingt-trois ans pour leur apprendre les rudiments du métier, mais cela ne prend pas beaucoup de temps avant qu’ils réalisent qu’Amy maîtrise la matière. « Comme enseignante, j’aime voir les élèves progresser; comme regarder un enfant qui grandit et apprend, c’est très gratifiant, spécialement chez ceux qui travaillent fort. »
Lorsque les élèves éprouvent des difficultés ou doutent de leur choix de carrière, Amy est toujours là pour les écouter : « J’aime parler avec eux, les encourager à ne pas laisser tomber leurs rêves. » Le message qu’elle lance aux jeunes filles qui envisagent un métier non traditionnel comme la soudure ? « C’est moins intimidant que ce que cela peut sembler. C’est un beau métier qui a beaucoup évolué, exigeant, mais gratifiant, et dans lequel il y a de l’avenir. »
« J’ai gagné en confiance et en dextérité. Le plus on pratique, le meilleur on devient. Le métier exige de la coordination, il faut être méticuleux. »
Dans les mois et les années qui viennent, Amy doit célébrer le mariage qu’elle a dû reporter avec la pandémie de Covid 19 et entreprendre la formation universitaire qui lui permettra d’enseigner à temps plein. Elle profite pleinement de la vie. « Je ne changerais rien à mon parcours, conclut-elle.
« Dans mon métier, il ne faut pas avoir peur de travailler avec ses mains ni de se salir. Si on fait face à des difficultés, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide non plus. »