Voler de ses propres ailes Portée par un double DEP, Catherine Gagnon-Côté a choisi de s’investir dans un des secteurs de métier les plus masculins du Canada, celui de machiniste. Si la Catherine a pensé un temps étudier en mécanique auto ou en lutherie, elle n’a jamais regretté d’avoir bifurqué vers les techniques d’usinage : « J’ai toujours aimé concevoir quelque chose de mes mains, être en mesure d’observer le résultat final de mon travail. Dans ma famille, on a toujours mis la main à la pâte et on n’entretient pas de préjugés face aux secteurs traditionnellement masculins. J’aime la notion de risque que comporte le métier de machiniste, car il me pousse à constamment me dépasser pour atteindre l’excellence ».
C’était tellement différent du secondaire, [ j’étais ] en action à faire des choses concrètes dans l’atelier. Ç’a été le début d’une belle passion
Catherine Gagnon-Côté, machiniste
Un secteur à faire connaître « J’étais comme un poisson dans l’eau. C’était tellement différent du secondaire, en action à faire des choses concrètes dans l’atelier. Ç’a été le début d’une belle passion », Catherine Gagnon-Côté Le travail du machiniste consiste à fabriquer des pièces de métal avec précision à l’aide de différents types de machines à commandes manuelles ou électroniques dans différents secteurs d’activités comme l’aérospatiale, l’aéronautique, l’industrie navale, l’armement ou l’industrie manufacturière. Au quotidien, la machiniste interprète des croquis techniques résout des problèmes mathématiques liés à l'usinage sur des machines-outils conventionnelles ou à commande numérique, elle effectue des travaux d’usinage de pièces. « Cela appelle de la débrouillardise, de la dextérité et de l’autonomie », résume Catherine. Selon son expérience, l’information scolaire, notamment par le biais des orienteurs, pourrait aider à démystifier les techniques d’usinage et à valoriser la formation qui permet d’y accéder: « Lorsque je faisais mes études dans une école secondaire privée, la formation professionnelle, c’était mal considéré. Le stéréotype que les centres de formation professionnelle, c’était pour ceux qui ne sont pas bons, on l’entendait souvent. Lorsqu’on réussissait bien à l’école, ce qui était mon cas, le cégep ou l’université semblait les seuls parcours à envisager. Mais moi, j’étais appelée vers autre chose ».
(…) on a toujours mis la main à la pâte et on n’entretient pas de préjugés face aux secteurs traditionnellement masculins. J’aime la notion de risque que comporte le métier de machiniste, car il me pousse à constamment me dépasser pour atteindre l’excellence
Catherine Gagnon-Côté, machiniste
Reconnaissances Un effort important de sensibilisation doit être fourni, notamment par le biais des orienteurs qui pourraient aider à démystifier les techniques d’usinage et les nombreuses possibilités du métier. Le cheminement de Catherine dans un métier traditionnellement masculin a été reconnu par une bourse de Chapeau, les filles! en 2012-2013, un concours qui encourage les filles à sortir des sentiers battus lorsque vient le temps de choisir un programme de formation. Elle a aussi participé aux Olympiades québécoises de la formation professionnelle et technique en mai 2014 et décroché la médaille de bronze. En 2015, aux 21es Olympiades canadiennes des métiers et des technologies de Saskatoon, en Saskatchewan, elle a remporté la médaille d’or dans sa discipline. Elle est la première femme à avoir monté sur la plus haute marche du podium au pays. « Une expérience marquante, un entraînement intense, beaucoup de pression et d’adrénaline » résume la jeune femme. Avec les Olympiades, Catherine dit avoir eu l’occasion de développer ses méthodes de travail et d’organisation : « J’ai appris l’importance des petits détails, l’avantage d’optimiser mon espace de travail. Ce sont de bonnes habitudes qui me servent tous les jours ».
De père en fille Médaillée d’or aux olympiades canadiennes, Catherine Gagnon-Côté se rappelle des olympiades comme une expérience formatrice et durable dans l’apprentissage de son métier. Depuis 2012, Catherine évolue comme machiniste dans l’entreprise de son père, Garco Équipements. Elle a travaillé un an pour une autre entreprise, mais elle est revenue ensuite dans le giron familial. La petite entreprise, qui se spécialise en vente et réparation de marteaux hydrauliques, emploie un machiniste, en plus de Catherine et son père. « Dans les PME, on a l’avantage de pouvoir toucher à tout », fait valoir Catherine. « Mon père avait questionné mon choix de carrière au départ, afin de tester ma motivation, mais aujourd’hui, nous faisons équipe et il est fier que j’aie marché dans ses pas ».
Féministe ? Mmmmoui ! Les conditions ont changé et les mentalités progressent note la jeune femme. La pénurie de main d’œuvre actuelle devrait être vue comme une opportunité pour accueillir plus de femmes dans ces corps de métier à prédominance masculine. Catherine croit en l’égalité des chances et en l’équité, mais elle n’est pas du type à militer, dit-elle d’emblée. Pour elle, le choix d’un métier, traditionnel ou pas, est affaire de cœur et d’instinct : « Le secret de la réussite est de s’investir dans son travail et de trouver une entreprise ou un domaine qui nous passionne vraiment. Quand tu aimes ce que tu fais, tu as tendance à être meilleur ». Elle aime partager ses connaissances à titre de coache ou de collègue. Elle a eu l’occasion d’encourager des jeunes autour d’elle à poursuivre leurs études malgré les obstacles.
De la résistance? Avec la possible reprise de l’entreprise familiale, Catherine Gagnon-Côté a de beaux jours devant elle. Son exemple le démontre, avec du travail et de la persévérance, de la passion et de la volonté, tous les choix de carrières sont possibles. Le fait que les femmes soient généralement moins fortes que les hommes n’est plus un handicap pour celles qui souhaitent exercer un métier en usinage : « Ce n’est plus un problème d’être une fille dans ce secteur, explique-t-elle, avec la contribution des appareils de levage ». D’autant que les perspectives d’emploi sont excellentes : « Il y a une pénurie de main-d’œuvre. De nombreuses entreprises cherchent des machinistes qualifiés, notamment ceux qui possèdent les compétences pour les machines-outils à commande numérique ». Quand on lui demande si elle a fait face à de la discrimination depuis qu’elle a intégré le marché du travail, Catherine prend un temps de réflexion avant de répondre prudemment : « Bien sûr. Lorsque je dois me déplacer sur des chantiers et que certains clients se demandent où est la personne qui vient réparer ma machine-outil et comprennent que c’est une fille, il y a parfois des moments de confusion jusqu’à ce qu’ils reconnaissent mes compétences et m’acceptent. Heureusement, avec le temps, les choses s’améliorent ».
Prédominance masculine « Le secret de la réussite est de s’investir dans son travail et de trouver une entreprise ou un domaine qui nous passionne vraiment. Quand tu aimes ce que tu fais, tu as tendance à être meilleur ». Catherine Gagnon-Côté Les données de Statistique Canada1 indiquent que le métier de machiniste demeure majoritairement masculin (93,8 %). Ruth Rose, économiste, liste d’ailleurs l’emploi de machiniste dans les 10 principales professions occupées par les hommes2 sur 140 catégories professionnelles. Elle écrit dans son rapport : « Quant à la ségrégation professionnelle, on doit constater que la grande majorité des femmes se retrouvent dans les emplois traditionnellement féminins et ont beaucoup de difficulté à pénétrer certains emplois à prédominance masculine comme les métiers de col bleu et les postes de cadres supérieurs ainsi que le génie et l’informatique. Les choix que font les jeunes en formation professionnelle de niveau secondaire et en formation collégiale technique laissent présager que cette situation perdurera encore longtemps ».