La place des femmes Des arts et des lettres, Claudie Nadeau s’est finalement orientée dans un DEP en soudage au Centre de formation professionnelle (CFP) d’Alma pour maîtriser le travail du métal. Être une femme dans un métier traditionnellement masculin ne devrait jamais être un enjeu au moment de choisir une carrière pour Claudie Nadeau : « Ce n’est pas ça qui est important. Il faut se poser la question : est-ce que je veux être soudeuse? Je sais que cela peut fâcher certaines personnes, mais moi, lorsque je travaille, je ne me considère pas comme une femme.
Bien sûr je suis une femme, mais je veux dire qu’au moment où j’enfile mon équipement, que je punche, c’est le travail qui prend la place. Je suis soudeur. Et je crois que cette attitude a de bons côtés. Les collègues finissent aussi par oublier ma différence. Oublier que le soir, les fins de semaine, je suis une femme. Au travail, je suis comme les autres, sans différence ni besoins particuliers. Personnellement, je suis contre les quotas à l’embauche. Je préfère qu’on m’engage pour mes compétences. La discrimination positive, je ne crois pas que cela aide les filles ».
Une place à prendre Et le choix du métal fut un pari gagnant : Claudie Nadeau a ensuite multiplié les expériences professionnelles dans le domaine et gagné de l’expérience sur les chantiers. Si elle ne veut pas de traitement de faveur, Claudie admet que pour les femmes, la partie n’est jamais gagnée dans les ateliers industriels : « À compétences égales, certains employeurs hésitent encore à engager des femmes. Des préjugés tels : les filles, ça fait moins d’heures, ça fait des bébés, ça existe encore, mais le temps fait évoluer les mentalités ». Sur les chantiers, elle n’a jamais subi de discrimination : « Je m’intègre naturellement dans les équipes. Il y a parfois des blagues, mais moi aussi, je suis capable d’en faire, de relancer les gars ». Elle croit que c’est dans la culture des femmes de faire ce que la société attend de nous et que c’est par l’éducation que les choses évoluent et que les femmes pourront s’imaginer dans des domaines qui leur étaient autrefois inaccessibles.
Selon les données fournies par la Commission de la construction du Québec (CCQ), le nombre de femmes soudeuses est passé en 4 ans de 2 femmes en 2015, l’année d’implantation du Programme d'accès à l'égalité des femmes dans l'industrie de la construction (PAEF) à 3 femmes en 2019. Malgré cette croissance, la cible fixée d'au moins 3 % de soudeuse n'est pas encore atteinte à ce jour. L'occupation spécialisée de soudeuse se retrouve au 20e rang en termes de part où il y a le plus de femmes pour l'ensemble des 25 métiers et 6 occupations dans l'industrie de la construction.
Bien sûr je suis une femme, mais je veux dire qu’au moment où j’enfile mon équipement, que je punche, c’est le travail qui prend la place. Je suis soudeur.
Claudie Nadeau, soudeuse et enseignante
Le métier de soudeuse La demande de main-d’œuvre sur les chantiers de construction est en forte croissance : c’est un moment charnière pour continuer à promouvoir la place des femmes dans les métiers de la construction. À 37 ans, et malgré les aléas de la récession de 2009, la passion de Claudie Nadeau pour son métier demeure intacte: « C’est vraiment extraordinaire de ne partir de rien, de travailler des heures et des heures sur un projet, de le terminer et de constater l’immensité du résultat final. J’ai choisi d’être soudeuse pour fabriquer des choses de A à Z, admirer le produit fini, c’est très valorisant ».
Bien sûr le métier a ses exigences, mais Claudie le considère extrêmement gratifiant : « C’est fatigant, mais c’est une belle fatigue, commente-t-elle avec des étoiles dans les yeux. Il y a de grosses semaines. Il fait parfois très froid et aussi très chaud en temps de canicule. Il faut être endurante, forte et avoir de bonnes capacités. » Claudie a une énergie redoutable : « On m’a diagnostiqué récemment un TDAH, j’ai toujours eu un peu de difficulté avec les tâches de bureau, mais cela a aussi de bons côtés. Pour le travail en atelier, et tous les travaux manuels que j’entreprends à la maison, j’ai beaucoup d’endurance, je peux passer au travers de longues journées ».
Parallèlement à son travail de soudeuse, depuis dix ans, Claudie Nadeau enseigne le soudage-montage au Centre de formation professionnelle d’Alma. Ce sont ses anciens professeurs qui lui ont fait signe lorsqu’un poste s’est libéré, nouveau défi pour lequel elle complète actuellement un baccalauréat en enseignement à temps partiel. « Bien humblement, je crois que ma présence a des effets bénéfiques sur les élèves. Les garçons me côtoient pendant deux ans, ils s’habituent à ma présence. Ils savent que je connais mon métier, que je suis compétente.
Lorsqu’ils arrivent en entreprise, la présence d’une femme n’est déjà plus une nouveauté. Ils ont déjà fait un bout de chemin pour accepter les femmes dans les ateliers. Ma présence rassure aussi les filles. Comme si cela disait : ça se fait. C’est possible. On peut être très heureuse dans un milieu où on ne s’attendait pas à l’être. J’en profite aussi pour leur confier quelques pistes pour les aider à intégrer les équipes ».