Profession : peintre en carrosserie Kassandra Bilodeau est diplômée du Centre Intégré de Mécanique Industrielle de la Chaudière (CIMIC) de Saint-Georges, en Beauce. Kassandra vit-elle de la discrimination dans un secteur toujours majoritairement masculin? « Comme il y a maintenant une liste d’attente pour obtenir nos services, je peux choisir mes clients. S’il y a des gens qui ont quelque chose à redire, et bien, qu’ils aillent voir ailleurs! » Selon Emploi Québec on compte plus de 35 000 travailleurs dans les garages automobiles dans l'ensemble des régions du Québec* . Près de 99 % des membres de ce corps de métier sont des hommes. Les garages, Kassandra Bilodeau en a fait son quotidien. Entourée de pièces de camions à polir, de morceaux de carrosserie à peindre et surtout d’hommes, la jeune femme ne regrette pas du tout son choix de carrière.
Démarrer mon entreprise, c’est un rêve que je caresse depuis que je suis gamine, raconte la pétillante peintre-carrossière. Je ne cacherai pas que les débuts ont été difficiles, mais j’ai réussi.
Kassandra Bilodeau, Peintre en carrosserie
Un intérêt pour l’automobile depuis l’enfance Selon Emploi Québec on compte plus de 35 000 travailleurs dans les garages au Québec. 99 % sont des hommes. Kassandra Bilodeau raconte avoir reçu la passion pour les voitures en héritage. Toute jeune, elle s’est initiée à la mécanique en remettant à neuf une Chevrolet Monte Carlo 1986 avec son père, mécanicien : « Passer du temps au garage, c’était avoir des moments privilégiés avec mon père, alors que mes parents étaient séparés, se souvient-elle. J’étais une authentique fille à papa. Mon père m’a encouragé et j’ai développé ma passion en sa compagnie en passant tous mes temps libres au garage ». Ils ont travaillé sous le capot légendaire pendant neuf ans, avec un petit budget, en reprenant patiemment les pièces de deux autres Monte Carlo hors d’usage. « La peinture automobile, j’ai ça dans le sang ».
À l’adolescence, Kassandra a commencé à faire du bénévolat au garage où travaillait son père et s’est orientée vers la peinture automobile. « Mon père a toujours cru en moi, de même que ma mère qui a vu comment la peinture automobile me procurait du bonheur ». Comme, dans presque tous les métiers de l’automobile, c’est un domaine où les femmes ne sont pas toujours prises au sérieux. « Il y a des embûches à emprunter une voie non traditionnelle, bien sûr, eh oui, il a fallu que je parle fort à quelques moments, admet la jeune femme, mais lorsque tu es convaincu de ton choix, les difficultés deviennent des sources de motivation, et c’est plus facile de convaincre les autres. Et chez moi, les voitures, c’est une passion de famille ». La jeune fille carbure aux projets et ne se laisse pas décourager. Le prochain rêve qu’elle souhaite réaliser ? « Je veux devenir une artiste en aréographie et peindre des motos ».
Il ne faut pas se mentir, les commentaires stupides et les vieilles mentalités, cela existe. Des hommes qui ne veulent pas que je travaille sur leurs camions, cela existe. Mais moi, j’ai appris à faire ma place et je ne laisserai personne m’empêcher de poursuivre mon chemin.
Kassandra Bilodeau, Peintre en carrosserie
Les Olympiades ont changé sa vie Ce qu’il faut pour emprunter un chemin traditionnellement masculin ? De la détermination et de la passion. Les filles en ont autant que les gars » Kassandra Bilodeau. De sa participation aux Olympiades des métiers et des compétitions brésiliennes, Kassandra garde des souvenirs vivaces : « C’était fou, complexe et un peu irréel! Nous n’étions plus dans la cour des petits. Il y avait un interprète juste pour moi, l’armée qui nous suivait partout pour assurer notre sécurité, d’autres compétiteurs qui essayaient de me déstabiliser, un degré de qualité exigée au millimètre près! » Cette année-là, elle a été la seule candidate canadienne (et la première Québécoise) à l'épreuve de peinture automobile. Même si elle s’attendait à un meilleur résultat, Kassandra se classe au 10e rang. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir négligé son entraînement. Sous la supervision de Claude Labonté, son coach et enseignant au CIMIC, la jeune fille a passé des dizaines d’heures par semaine à faire, refaire et peaufiner son ouvrage. « Après les compétitions canadiennes, au moment de s’engager pour le Mondial, on s’est dit « Si on embarque, c’est pour de vrai ». Ç’a été tout un défi. Je ne regrette rien. J’ai adoré mon expérience au Brésil, et les Olympiades ont complètement changé ma vie. J’ai acquis des compétences professionnelles, mais j’ai surtout acquis de la confiance en moi. Les Olympiades m’ont permis de gagner en maturité et de m’épanouir ». Elle ajoute que cette expérience a ouvert ses horizons.
Après son retour du Mondial des métiers, la Beauceronne a travaillé trois mois dans un garage au Nouveau-Brunswick, avec comme objectif d’apprendre l’anglais, puis elle est allée découvrir l’Europe, alors qu’elle vient d’un petit village et qu’elle n’avait pas eu la chance de voir du pays auparavant : « Les Olympiades ont changé ma perception de la vie. J’ai eu envie de connaître le monde, d’apprendre l’anglais, de voir comment cela fonctionnait ailleurs, et de visiter d’autres garages aussi. Mes perspectives ont évolué ».
Je veux devenir une artiste en aréographie et peindre des motos.
Kassandra Bilodeau, Peintre en carrosserie
Une femme dans le monde de l’automobile Son expérience au Brésil et les Olympiades ont complètement changé sa vie : la jeune artiste affirme y avoir acquis des compétences professionnelles et une plus grande confiance en elle. En vente, mais aussi en carrosserie et en mécanique, les professions de l'automobile s'ouvrent doucement aux femmes, qui y sont appréciées, et la pénurie de main-d’œuvre devrait encore favoriser leur présence. S’il y a peu de femmes qui occupent des emplois traditionnellement masculins, il y a aussi peu de candidates qui s’inscrivent aux formations professionnelles menant à ces métiers. La question de la promotion de ces derniers auprès des filles et des femmes se pose donc toujours avec acuité. « À une époque pas si lointaine, c’était mal vu d’enseigner les métiers de l’automobile aux filles. Ils étaient nombreux à croire que ce n’était pas une place pour les filles » mentionne Kassandra, qui rappelle dans la foulée que les femmes se sont battues fort pour leurs droits collectifs : « Je veux leur rendre hommage à ma manière en encourageant les jeunes générations. En leur disant qu’elles peuvent conquérir le monde ! »
Pour Kassandra, les obstacles à l'arrivée de davantage de femmes dans les métiers de l'automobile sont avant tout psychologiques : « Les filles ont peur de ne pas être en mesure de faire le travail, ou de ne pas réussir à s’insérer dans leur CFP ou à s'insérer professionnellement.
Elles ont peur du jugement. Leurs parents partagent souvent ces mêmes craintes. On a besoin de les rassurer, mais surtout d’éduquer la population, considère-t-elle. C’est important que les gens entendent parler des filles qui entreprennent ces carrières. Les témoignages de succès prouvent que c’est possible. Heureusement, c’est en train de changer! » La peintre en carrosserie confie avoir reçu de nombreux témoignages depuis les Olympiades de filles qui lui ont mentionné que son exemple a fait une différence dans leurs parcours : « Ce qu’il faut pour emprunter un chemin traditionnellement masculin? De la détermination et de la passion. Les filles en ont autant que les gars ».
Ce qu’il faut pour emprunter un chemin traditionnellement masculin? De la détermination et de la passion. Les filles en ont autant que les gars.
Kassandra Bilodeau, Peintre en carrosserie